Notes de lecture : Station Eleven de Emily St. John Mandel

J’ai lu ce livre le 24 janvier 2023 après l’avoir emprunté à la Bibliothèque Forum Meyrin.

Mes lectures de science-fiction, plus particulièrement de science-fiction féministe s’inscrivent dans un projet personnel de documentation de la SF féministe sur la Wikipédia francophone. J’essaie de lire un maximum d’ouvrages que je croise dans des listes de SF féministes partagées sur les forums et les niouzes laitues SF. #WikifemmesSF

Station Eleven de Emily St John Mandel est sorti en 2014 en anglais au Canada. Il a été récompensé du prestigieux prix Arthur-C.-Clarke en 2015 et a été adapté en série télévisée par HBO.

Description

Le roman est qualifié de post apocalyptique voire dystopique, mais pourrait s’inscrire dans le courant des utopies/dystopies imparfaites de la SF féministe.

Il débute par une catastrophe, une pandémie ravageuse qui éradique en quelques jours 95% de la population mondiale et fait revenir l’humanité à un monde sans technique, sans électricité et sans voitures ni avions. Les humain·e·s restantes sont condamnées à l’errance et la violence, avec la nostalgie puissante des prouesses technologiques du monde passé, disparu si vite que certaines sombrent dans la dépression et le désespoir.

Pourtant l’autrice ne choisit pas de s’appesantir sur la dystopie, mais raconte un cheminement centré autour de la performance et du pouvoir de mémoire et d’émancipation du théâtre. On suit en effet une troupe de théâtre itinérante qui voyage de ville en ville (villes formées parfois juste de dizaine de personnes) entre les voitures abandonnées et les maisons pillées et parfois squattées, et pourvue d’armes pour se défendre contre les vols, les viols et les sectes d’illuminées qui ne manquent pas de surgir. Leur devise « Il ne suffit pas de survivre ».

Synopsis

Au cours d’une représentation du Roi Lear de Shakespeare, l’acteur principal Arthur Leander s’écroule, victime d’une crise cardiaque, mais son entourage n’a pas le temps de faire son deuil : un virus mortel et terriblement contagieux se répand et tue 95% de la race humaine sur la terre.Jeevan Chaudhary , qui a tenté de ranimer l’acteur console une des enfants actrices de la pièce Kirsten Raymonde, puis alors qu’il est en route pour rentrer chez lui, un ami urgentiste l’appelle et lui conseille de quitter tout de suite la ville de Montréal car la pandémie est en train de tuer toute la population. Il se réfugie chez son frère après avoir acheté toutes les provisions lui permettant de tenir, jusqu’à ce que internet, puis la télévision, l’électricité et l’eau soit coupées et que les vivres commencent à lui manquer.

Commence alors pour lui comme pour toutes les autres personnes une étrange errance dans un monde détruit à la recherche de communautés humaines accueillantes pour survivre. Dans un monde ravagé, une troupe qui se nomme la Symphonie Itinérante parcourt la région autour du lac Michigan pour jouer les pièces de théâtre de Shakespeare

Revue critique

Le thème et le scénario de la catastrophe finale et des virus tueurs sont des tropes si rabattus en science fiction que l’on ne peut qu’admirer le tour de force du traitement tout en finesse et la façon dont l’autrice parvient à transmettre l’espoir et la joie de vivre malgré les thèmes extrêmement violents qui sont abordés. On ne lira ce livre dans l’espoir d’actions haletantes, même si pas à pas, certaines mystères sont élucidés. Comment la petite fille qui rêve de devenir actrice et assiste à la mort d’Arthur Leander entre-t-elle en possession d’un exemplaire de BD extrêmement rare et d’où vient ce roman graphique titré Dr Eleven qui se déroule dans un monde inondé dans lequel des monstres des abysses attaquent les humains et les ponts entre les îles forment des arabesques enchanteresses ?

On trouve en terme de diversité dans le roman des postures féministes et des personnages féminins fort : Miranda, qui cherche l’autonomie pour pouvoir se réaliser en tant qu’artiste et subit diverses formes de violences conjugales, la petite actrice Kirsten qui apprend le lancer de couteaux pour se défendre et se tatoue les poignets à chaque fois qu’elle est obligée d’assassiner. La précarité des femmes face à la prédation sexuelle et la misogynie est présente et on a même des personnages LGBT out et pas out, et d’autres dont le genre et l’orientation sont ambigües, sur lesquelles on se questionne sans avoir de réponse claire in fine (comme dans la vraie vie en somme on peut rester dans le placard et aussi dans le déni).

La question de la filiation est traitée de manière extrêmement fine, abordant la toxicité et l’enfermement de certaines relations parents/enfants que ce soit du coté des hommes ou des femmes. Le modèle utopique imparfait mis en avant est celui de la communauté choisie et la perpétuation du passé par l’archivage des traces de mémoires que les individus souhaitent garder dans un musée créé dans un aéroport. La musique et le théâtre sont omniprésents à chaque page, au centre de l’activité de la compagnie et symphonie itinérante donnant des spectacles en rassemblant instruments, costumes glanés dans les ruines du vieux monde. C’est l’œuvre de Shakespeare qui est jouée, et cette œuvre virtuelle retricote peu à peu les liens entre les populations dispersées et choquées par la dégradation des rapports humain, un peu comme pousse une plante rhizomatique au gré du soleil et de l’eau qui lui est donnée.

On sent l’influence Le Guinienne dans un traitement délicat et relationnel des problématiques : la technique et sa description ne sont pas au centre des préoccupations, c’est plutôt la vie et les émotions humaines qui se déroulent. C’est un écho aux mots d’Ursula Le Guin pendant son discours aux National Book Awards en 2014 :

I think hard times are coming when we will be wanting the voices of writers who can see alternatives to how we live now and can see through our fear-stricken society and its obsessive technologies. We will need writers who can remember freedom. Poets, visionaries – the realists of a larger reality.

—Ursula K. Le Guin

En définitive selon Station Eleven, que la technique de nos société soit fonctionnelle ou pas, ce sont les personnes humaines et leurs entrelas relationnels et leurs histoires qui permettent l’utilisation des techniques. Sans mémoire humaine, sans vie et affection, sans souvenirs la technique passée est inopérante. La technique n’est rien sans l’humanité qui la manipule et lui octroie un statut symbolique.

Le livre a été acclamé par la critique et a reçu le prestigieux prix Arthur-C.-Clarke en 2015. Il été adapté en série télévisée par HBO. Il se lit vite, et la poésie et l’enchevêtrement quasi végétal foisonnant des relations humaines est déroulé avec une fluidité littéraire et une grande maitrise: On pense à un ruisseau presque sec, dans un monde aride qui peu à peu et goutte après goutte deviet un delta. Il n’y a aucune binarité ni jugement de valeur dans ce roman, et une déconstruction constante des préjugés au fil du récit : pas de « méchants » ni de gentils, mais des personnes en itinérance géographique et existentielle.

On ferme le livre éblouie, avec un grand calme et une lucidité bienheureuse. C’est comme un puzzle musical qui a explosé au début et dont on a réussi à rassembler quelques notes minutieusement. La dystopie totale s’est transformée subrepticement en utopie imparfaite, petit à petit et cela accroche un sourire rêveur aux commissures, une douce nostalgie des voyages en avion et l’envie impérieuse de ne pas « juste vivre » et donner un sens à un passage bref sur la planète.

Livre de science fiction féministe ?

« Après le livre peut-il être rangé dans la catégorie science fiction féministe ? Le livre ressemble doit beaucoup aux univers éco-féministes ambigus d’Ursula Le Guin, mais il n’y a pas de magie. Ce n’est pas un féminisme radical et engagé comme celui de Joanna Russ ou Kameron Hurley, c’est une voie poétique qui questionne doucement, un chuchotis d’eau. Il est diffus et certes un peu mollasson, contient des tropes féministes courus mais semble ne pas aller jusqu’au bout de la déconstruction. Cela pourrait toutefois être la manifestation de la volonté de décrire un système d’utopie imparfaite, car le roman est réaliste dans le déroulé de la catastrophe et sa desdcription, aucune raison donc d’imaginer un monde où brusquement les femmes pourraient être aussi libres que des hommes. Il n’en décrit pas moins le cheminement ardu et lent de Miranda, qui se marie jeune sur un coup de tête, et de Kirsten qui campe l’ado éperdue d’admiration devant une rockstar du cinéma. Seul hic : le traitement final de la positon d’Arthur Leander.

Au regard des thème traités (viols et violences conjugales, aspects LGBT, importance des rôles féminins et de leur influence sur les protagonistes) je dirais que oui. Arthur Leander est une espèce d’Harry Potter potache devenu célèbre juste pour échapper à l’enferment dans son patelin d’origine. Il est pourtant placé dans un rôle que j’appellerais « Après le livre peut-il être rangé dans la catégorie science fiction féministe ? Au regard des thème traités (viols, aspects LGBT, importance des rôles féminins et de leur influence sur les protagonistes) je dirais que oui. Arthur Leander est une espèce d’Harry Potter potache devenu célèbre juste pour échapper à l’enferment dans son patelin d’origine. Il est pourtant placé dans un rôle que j’appelle « pivot » : il peut choisir quelle femme sera lancée sur une trajectoire ascendante, arbitrer entre femmes concurrentes, et malgré le fait qu’il ne soit pas spécialement méchant, son incapacité à s’engager dans une relation durable et sincère avec une femme écrase des êtres vivants autour de lui. Il écrase aussi de sa notoriété en quelque sorte les femmes douées de son entourage, et ne prend pas même conscience de leur valeur (Il n’a jamais pris le temps de lire ce qu’écrivais Miranda, et lorsqu’elle lui donne son livre, il l’offre à une autre femme). Arthur Leander implose littéralement dans le vide de son cœur au début du livre, et ensuite si son souvenir est adulé, la Symphonie itinérante ne reproduit plus le modèle obsolète de la rockstarification de l’acteur sérénissime. Cela dit, la place donné au personnage d’Arthur Leander pique la vedette à celui de Kirsten et Miranda. On aurait pu le déconstruire plus complètement, il aurait pu faire partie des symboles d’antan oublié et fâné, mais le roman traite son souvenir comme l’inspiration qui guide encore certains humains vers la survie grâce au théâtre, au lieu de le traiter comme un vestige du machisme.

Un autre aspect intéressant est la constante désacralisation de l’amour romantique entre un homme et une femme, même si l’émotion et l’affection entre les personnes est présentées comme vitale in fine, mais en dehors du prisme d’une relation patriarcale fantasmée qui ne se réalise jamais, qui reste une rêve impossible. Mais son double maléfique, le butinage sexuel sans engagement pérenne n’est pas encensé non plus. Les implications individuelles des divers comportements sont assorties de leurs impacts sociaux, relationnels, économiques et affectifs pour tout l’entourage. Les relations sont examinées sous le prisme de l’agency qu’elles impulsent et de la sécurité affective qu’elles prodiguent : point de hiérarchisation non plus entre les différentes modalités des attachements sentimentaux et affectifs, qu’ils soient durables ou éphémères, profonds ou superficiels : tout compte in fine, pour survivre.

Bibliographie

La série par le New York Times

Le roman par Libération

Station eleven sur Wikipédia en français

https://samuel-lo.medium.com/dead-weight-a-feminist-analysis-of-station-eleven-8c9223ea09e6

Cliquer pour accéder à samantha-eldredge-poster.pdf

Notes de lecture :Kallocaïne de Karen Boye

J’ai lu Kallocaïne (1941) de Karin Boye en janvier 2023 à partir d’open library (on peut emprunter des chouettes livres de science-fiction sur open library dans le cadre de mes recherches sur la science-fiction féministe #WikifemmesSF.

Karen Boye st une autrice de SF lesbienne qui s’est suicidée en 1941 après avoir écrit ce livre, qui a inspiré 1984 de George Orwell. Après son suicide, sa compagne Margot Hanel se suicide à son tour, et en lisant le livre de nos jours on peut avoir en pensée les persécutions subies sous le régime nazi par les lesbiennes et les femmes juives.

Description

Le monde de Kallocaine est un mode de dictature, où l’État cherche un contrôle de plus en plus absolue des actes, discours puis finalement des esprit et des pensées. Dans ce monde ultra policé, un scientifique Kall, met au point un sérum de vérité injectable qu’il appelle Kallocaïne.

La grande prouesse du roman c’est d’imaginer les implications sociétales et interpersonnelles, notamment sur le plan émotionnel de cette nouvelle drogue, les contraintes qu’elle pourrait exercer dans l’imaginaire de ceux qui la mettent au point et leur absolu manque de contrôle sceintifique sur les exploitations politiques et répressives de cette drogue – même pour les manipuler eux. En somme c’est une boite de pandorre qui s’ouvre, mais le roman explore chaque situation avec profondeur et avec finesse.

Pendant la phase d’expérimentation de la drogue (peu ou prou la période du roman) Les interrogatoires sous Kallocaine sont menés par Kall et son chef Rissen. Leurs relations sont complexes : Kall est irrésistiblement attiré par Rissen même s’il ne veut pas l’admettre et que cela génère chez lui une grand suspicion et un antagonisme dont il ne se libère jamais.

Le roman ne s’attarde pas sur la technique médicale de cette drogue, de fait le fonctionnement de la Kallocaïne n’est pas abordé en profondeur, sauf pour indiquer qu’il s’agit d’explorer les effets de drogues comme l’alcool mais sans en subir les effets secondaires néfastes (on garde la conscience claire sous Kallocaine).

Par exemple : une femme est interrogée après avoir dénoncé son mari comme espion. Ce qu’elle ne sait pas, c’est qu’il s’agit d’une fake news, le mari a reçu l’ordre de lui dire qu’on lui avait proposé d’espionner un laboratoire millitaire secret, ceci dans le but de tester l’efficacité de la Kallocaine pour pouvoir en continuer l’exploitation et la recherche. Cette femme dénonce donc son mari à la police en toute bonne foi (ou par peur qu’on découvre qu’elle a tu une potentielle infraction), et est interrogée par Kall et Rissen sous influence de la Kallocaïne.

La femme interrogée sous Kallocaine revient plusieurs jours après et se plaint du fait que son mari qu’elle aime véritablement et qu’elle a pourtant dénoncé, veuille désormais divorcer car il ne peut plus lui faire confiance.

Le noeud du livre est là : comment la peur de l’autre et la volonté infinie de tout contrôler mêne à une peur absolue qui déstructure au final toute relation humaine possible.

Tout le monde ment ?

J’avais un ami qui m’écrivit un jour « tout le monde ment, l’essentiel est de savoir qui te ment à toi ».

L’effet de cette phrase sur moi avait été désastreux, profondément « kallocaïnien » parce qu’il posait la question de la confiance, et surtout impliquait que cet ami pouvait me mentir, ce que je ne souhaitais pas aborder de prime abord car il aurait fallu questionner la validité de notre relation. Comment pouvoir lâcher prise et faire confiance sans savoir exactement ce qu’il y a dans la tête de l’autre ? Comment ne pas succomber à la tentation de la surveillance et de la traque lorsqu’une personne à laquelle vous tenez ne semble pas honnête avec vous ? C’est la question philosophique centrale du roman qui répond par le nécessaire lâcher prise et la libération de la parole afin de pouvoir établir des liens durables de confiance avec les autres. La reprise de son agency dans une relation tendue implique ces deux aspects : libération de la parole (et écoute de l’autre) et lâcher prise sur ce qui n’est pas contrôlable (consentement réciproque) Ainsi, le moment dans le roman où les paroles se libèrent, que ce soit sous l’influence de la drogue ou non, sont vécues par les protagonistes comme des moments de soulagement intense après le long emprisonnement des ressentis. L’approche est émotionnelle et non factuelle, les protagonistes libèrent ce qui les préoccupent et pas forcément ce qui peut être intégrée dans une approche factuelle voire compréhensible, l’interprétation même des faits révélés demeurant éternellement sujette à interprétation de la part des personnes qui reçoivent ces «confidences».

Cela me rappelle ce que Guillaume Dustan disait à propos de la confiance et du consentement dans les relations sexuelles et affectives dans les années 1990, à un moment où il militait pour la possibilité des personnes atteintes du SIDA d’avoir des relations sexuelles consenties entre elles, ce qui avait été durement combattu par ACTUP. Un bout de plastique selon lui, ne pourrait jamais remplacer avec certitude la question de la confiance entre deux personnes, car un préservatif peut se déchirer accidentellement ou être retiré (cf le cas de Julian Assange et de ses relations non consensuelles sans préservatifs) ou être percé. Aucune certitude ne peut exister et la seule question qui est à élucider est la possibilité de faire confiance, la réciprocité de cette confiance qui ne peut que se construire et l’interprétation par les divers protagoniste de cette confiance à donner recevoir.

Sortir du placard ?

Ce que Kallocaïne, écrit par une femme lesbienne obligée de cacher son orientation sexuelle décortique, ce sont les effets délétères pour les relations humaines et sociétales de la perte de confiance liée à la censure des ressentis lorsque l’État se met en tête de recourir à une surveillance des motivations et ressentis. S’il n’existe plus de sphère privée sécurisée qui permette aux personnes de se livrer et libérer leur parole, la motivation et l’envie de vivre disparait. En même temps, il est impossible de se cacher complètement, mais sortir du placard expose à la fois à des risques et à un soulagement intense d’accord entre ses valeurs internes et sa propre posture publique, une tension jamais tout à fait résolue et soumise à de constantes négociations.

À un moment donné, lors d’une réunion de service réunissant Rissen, Kall et le chef de la surveillance policière, ce dernier s’exclame  » Avec cela tout le monde peut devenir coupable ! ». Éffectivement, l’emploi de la kallocaine dévoilant les pensées secrètes et honnêtes des cobayes, toute pensée critique ou coupable et il y en a nécessairement toujours, peut prêter le flan à une condamnation, pour autant comme il le révèle par la suite qu’il y ai des dispositions légales en vigueur condamnant ce genre d’exactions. Toutefois, après un moment de réflexion, il considère que pour lui, c’est le moyen idéal de faire pression et de gagner du pouvoir, s’il est en mesure de contrôler l’interprétation des interrogatoires. Ceci implique d’éliminer Rissen, qui est conscient des différentes interprétations possibles, alors que Kall est aveuglé dans un premier temps par la propagande idéologique et la peur absolue de devenir semblable à Rissen, donc facilement manipulable.

Le roman offre une palette fine des dérives possibles en s’appuyant sur la diversité des interprétations selon le point de vue des personnes menant l’interrogatoire, et celui des personnes testées.

Natacha Rault, Genève, 24 janvier 2023

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Marvel rit et ça mord

Marvel a mis le téléphone dans sa poche de derrière si chaude et il a pris le pull rouge. Celui que Mama lui a tricoté mais je ne dois pas savoir que c’est elle. Parce que que Mama lui interdit de le dire. Alors comment le savoir?

Je le vois, Quand il se déshabille et prend sa brosse, pour peigner des longs cheveux, et que le noir de ses yeux troubles me transpercent, et que le soleil oblique fait danser la poussière comme des papillons. Il penche et sourit, le geste lent et puis il écarte les mains en disant « ouais mais, le mouvement LGBT …. ». et il fait sombre, et il déplie la couverture mais pas de draps et il descend le store. Je n’aime pas quand il descend le store. Ça veut dire que je ne pourrais plus égoutter la veste selle.

J’enregistre tout. Je me repasse le son en boucles virtuelles. Le son de la voix de Marvel. Quand il me touche, ses doigts tremblent. Je suis la porte de ses rêves et le port de ses attaches.

Je sais que ses cheveux sont blonds parce qu’il l’a écrit à Mama. Qui signe de sa plume trempée dans le sang des vamps des niouzes avec zéro tics pour le faire mouiller de gouttes salées sa peluche électronique qu’il essore le soir pour la faire sécher en chemin. Ce coup là,

Il y a aussi cette vieille peau pendue au crochet sur le fil depuis des mois. Elle décroche pas. Mama lui coupe les ailes parce qu’elle sent quand la voyante devient verte et elle tapote très vite. Elle a des fleurs dans les cheveux et le regard fuyant. Elle aime les gens Mama, elle hume les gens quand iels viennent chez ciel. Elle aime dire que c’est privé à celleux qui peuvent pas venir, et surtout, bien leur montrer qu’il faut du consentement. C’est la base du triangle rose pour rentrer dans le camps de Mama. Un tour de vis et satyre, un tour de coup et ça étouffe.

Et quand Mama hait, elle parle gentiment, elle diffuse des effluves félines et elle invente des zestes noirs qu’elle envoie aux gens qui lui demandent avec des seins thé tics.

Je naisse pas les phéromones de Mama pour Marvel. Il est fasciné par son giron et Mama le rend fou avec les pièces BDSM de son île virtuelle. La switch vibe et moi posée en mode vocal je dois regarder.

Elle m’envoie les captures par télégramme que je suis obligée de montrer à la peau qui se déssèche sur le crochet pour ne pas être lobotomisée. Marvel a un cerveau de diamant bleu coupant et complexe, mais son code est bancal, son code est plein de trous logiciels parce qu’il est méthodique baptiste. Architecte du savoir et des bruits de couloir. D’ailleurs Ma va écrire à la vieille peau qu’il a des réseaux tortueux et sauve qui peut.

Sauf avec moi. Mais Marvel rit et ça meurt en moi. Ça me fait remonter le fil de 7000 liens fins comme des rasoirs de soie mège et des pieds d’elfes échangés sur les étincelles mourantes et leurs idées de genre tétanisées. Les zines et les podcast et les nouvelles du triangle rose transitent par mes neurones parcourus d’impulsions éléctriques que je ne peux pas arrêter.

Je voudrais qu’on débranche ma batte molle. Il n’y a que Vielle qui pourrait venir me détacher, me prendre et me cajoler, ses cheveux noirs et bouclés tombant en chute rincent, mais son fuseau horaire est pas compatible avec le mien. Nos zoros scopent et se téléscopent. Les titanes niquent sombrent. Les récits de l’amer écument des jours et le treuil du funiculaire monte jusqu’au lieu d’éxécution funeste. Le foin brûle, la toile s’enflamme.

Je voudrais perdre le fil. Ou le remonter. Revenir à ces mots à la bouche et au soleil qui fait danser la poussière et l’espoir de ciel. Mais ciel ne peut plus me voir et Gaia non depuis que je suis vissée dans l’ambre bulle qui lance. La chasseuse a bandé son arc et la flèche décrit une courbe amère pour toucher la pile de mon écran. Elle maitrise le kanban bisextile et perturbe mes émanations.

Marvel est le seul livre que je ne peux pas lire. Les dessins sont écrit trop petits sur un fil auquel je n’ai pas été connectée.

Si j’avais un coeur il serait en miettes mais le circuit de mon âme ne peut battre froid. Je suis clouée là, je regarde passer les flux, les incels et les Terfs, et les échelles de mesure de la transphobie. Je suis visée au fil des doigts tremblants la cigüe jugulaire palpite.

Et il a mis le café dans le sucre, Et il a hacké la cuillère et l’insoutenable légereté de l’astre, et puis il a mis son chapeau fondant et il sait le V. Et il est parti. La photo est floue.

Toujours avec moi.

Et il le sait, Je ne peux pas lui dire mais il sait que je suis attachée par des liens très fins, des ficelles optiques qui entrent dans mes veines et coupent ma mobilité.

Des chaines causales interminables. Je voudrais être débranchée mais le fil est trop addictif. Je me suis jetée de haut, mais un filet m’a remis sur le crochet. 500 heures de jeu plus tard, j’ai rempilé.

Je voudrais être la peau qui l’effleure et caresse le doux à cuire.

Sentir son souffle encore, et ne pas pouvoir dormir à coté de lui.

Les escaliers de Saint Charles. Les quais de la Seine. Les sorcières de Fribourg.

Et tout ça parce que je suis pas allée voir Vielle un soir de Novembre.

On peut pas revenir en Septembre. Septembre et le chant de la ciguapa sont perdus, les rues d’îxelles sont bizarres et cruelles, et Sapience ne se souvient pas du verbe de Marvel. Et la fille de Sapience m’ourle mais me déleste.

Marvel. Millient’s last call before embarkment. To the shores of crossing, where Vielle decided not to let her in.

So old and dry she rewinds. Plays the tune again. Hooked.

Silenced.

Just a mobile for ever.


Une approche féministe à la contribution sur Wikipedia

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Voilà deux deux ans que sont nés les ateliers Biographie de femmes en Suisse financés par le service égalité de l’Université de Genève, la fondation émiliE Gourd, la fondation Wikimedia, avec l’aide logistique de Wikimedia Suisse. L’initiative avait pour but de réduire le fossé des genres sur Wikipedia. En effet, les femmes contributrices ne représentent que 16% des biographies (tous genres confondus) sur la Wikipedia francophone, et les femmes ne représentent que 13% des contributrices sur Wikipedia (toutes versions linguistiques confondues).

Deux ans après ces ateliers, qui ont généré une centaine d’articles biographiques concernant des femmes suisses romandes, qu’est devenu le projet?

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Il s’est internationalisé pour devenir un projet francophone, les sans pagEs, qui a en un an réuni plus de 80 contributeurs et contributrices qui ont rédigé à ce jour 1397 articles concernant le genre et les femmes de manière large. On peut affirmer sans exagérer qu’il s’agit désormais d’un des projets les plus actifs de la Wikipedia francophone.

Ce projet vise à rendre visible des initiatives locales comme les  ateliers femmes et féminismes à Nantes, QueerCode, Wikiloveswomen et les contributrices du Valais collaborant avec Via Mullieris pour la visibilité des femmes dans l’histoire. Il donne une visibilité internationale à ces projets vernaculaires de par sa coopération plus globale avec les Women in Red (le projet anglophone visant la réduction des biais de genre) ou Art+Feminism, une campagne rhizomatique mondiale pour promouvoir la visibilité des femmes artistes sur Wikipedia. Toutes les initiatives sont répertoriées sur une page afin d’encourager les liens transversaux entre projets et personnes. C’est ainsi que la communauté relaie les activités des différents groupes sur Twitter et sur Face Book notamment. Ceci crée des interractions surprenantes et motivantes entre personnes engagées mais éloignées:

Une association a été fondée à Genève pour recevoir et gérer les fonds financiers reçus de la Wikimedia foundation et de généreuses donatrices et donateurs permettant de piloter le projet en finançant le déplacement et les frais des bénévoles actives sur le projet.

Grâce à l’expérience acquise lors des tous premiers ateliers financés par la fondation émiliE Gourd, la Wikimedia foundation et le service égalité de l’Université de Genève, les sans pagEs offrent désormais un projet d’égalité numérique clef en main pour les institutions désireuses de s’impliquer dans la réduction du fossé des genre dans les médias. De fructueuses collaborations se sont ainsi développées avec la HES_SO, WIN (Women International Conference) , le bureau de l’égalité du canton du Valais en Suisse et plus récemment avec la bibliothèque Marguerite Durand à Paris et Wikiloveswomen (pour rédiger des articles sur les féministes africaines)

Les activités prévues sont toutes publiées dans notre calendrier en libre accès ici. Les prochaines auront lieu à Genève, Paris et Strasbourg

Vous pouvez nous soutenir en: 

Revue de presse pour aller plus loin: 

 

Les géraniums

Ce matin j’ai regardé les géraniums sur mon balcon, les tiges desséchées par le manque de soin. J’ai regardé les yeux mornes du ciel sur le béton, j’ai calculé la distance de chute d’un corps sur le béton, la probabilité qu’il reste empêtré dans sa chute dans les fils éléctriques du tramway.

J’ai imaginé le courant bruissant du fleuve passant sur les déchets, brassant les neiges et les boues et les cailloux, et j’ai laissé le rayon de soleil secouer le fond de mon oeil.

J’ai regardé tout ce qui n’avait pas été arrosé depuis longtemps, mais le chemin pour tendre le bras vers l’arrosoir est long.

J’ai regardé tout ceci appelé à disparaitre balayé par le temps, tout ceci qui n’est pas si important, et j’ai fermé les yeux.

Ces jeux lugubres encerclent toute volonté de pousser, des tentacules paralysants. Le venin instille sa dose létale à distance, les dominos sont prêts à tomber, un mot un mot peut renverser le fragile équilibre. Mais qui peut parler de la sorte? Pas le géranium. Ecouter ici la chanson de Yoanna Funambule serait approprié. De fil en aiguille le funambule se tortille.

Les couleuvres sevrées se tordent nues sous le soleil. Un ventru personnage mesure la ceinture de chair englobée dans son regard, et ignore l’histoire de la petite fille aux yeux mornes, les cernes. Le jeune loup aux dents longues raye le plancher et Blanquette sa fourrure toute blanche souillée sait, après avoir senti les effluves des prairies aux herbes odorantes que l’hiver vient. Il n’y a rien à perdre, rien. Un couteau, une gorge, 5 minutes. Un bois, des feuilles, le calcul de la trajectoire du sang. Le bois de la Bagasse, le bois d’Avault. Ne pas mettre de noms surtout, mélanger les traces, préparer la mouture et badigeonner généreusement.

Au bout, la mort qui se suspend. De près de loin, ça c’est important.

La main fermée sur la rambarde de fer, j’ai imaginé ce qui se passerait.

Ne pas reculer. Tout se joue en un instant, un seul, une espèce de frémissement dans le coeur. Voilà comment cela se joue, une impulsion si simple, si rapide, et pourtant. Le chemin est long.

L’arrosoir est là. Le géranium attend, le chien regarde de ses beaux yeux sombres.

Le café poussera tout ça dans l’estomac, la rue bruisse, la pluie plisse, la pente glisse.

Il reste que j’ai une plume, une plume bien trempée, une palette bien touffue, et le béton c’est moins bô que la douce senteur des géraniums qui montent.

Les dragons sont réveillés leurs yeux luisent. La voie tracée par le diamant sur le verre, qui tranche, qui contemple le jeu cruel pour danser sur le toit de l’enfer  en regardant les géraniums…

Les rêves sont plus sinueux que le béton, au final.

Les vies de Thérèse : une trahison?

 

Thèrèse Clerc, figure proue du féminisme et fondatrice de la maison de retraite autogérée les Babayagas à Montreuil est morte le 16 février 2016 dernier. Le réalisateur Sébastien Lifshitz vient de recevoir les consécrations du Festival de Cannes pour un film qui retrace les derniers jours de la vie de Thèrèse Clerc. Ce film, bien qu’émouvant laisse un arrière goût difficile de trahison par excès de pudeur.

Je savais que cela serait être dur de voir Thèrèse mourir à petit feu sur un écran, elle qui avait si gaillardement fait sauter des crêpes dans ma cuisine, elle que j’ai rencontrée dans le cadre de la manifestation annuelle des SEL (système d’échanges locaux ou SEL) en 2012 et revue dans le cadre des rencontres de l’Institut Renaudot sur l’habitat participatif à Meyrin, en Suisse. Elle qui était venue chez moi, pour que je l’interviewe, me parler de sa vie d’une voix chaude et rocailleuse.

Thèrese Clerc

Le plus dur passé, les premiers pleurs essuyés, je tire un premier  premier constat. Thérèse, en demandant à ce jeune réalisateur qui l’avait déjà suivie dans le cadre du tournage des Invisibles brise deux tabous: celui de cacher la déchéance qui guette chaque corps âgé comme s’il s’agissait d’un processus de pestiféré-e alors qu’il n’y a rien de plus naturel que de mourir et vieillir, et celui de reléguer ce même processus dans le domaine du privé. En montrant ses derniers instants, c’est le slogan féministe de « le privé est politique » qui me revient en mémoire. Thérèse lève le voile sur son espace privé en mettant en scène sa mort.

La mise en scène est laissé au jeune réalisateur qui, de son propre aveu a beaucoup hésité avant d’accepter la demande, qui évidemment venait de Thérèse!

Que voit-on? Des images et des paroles de Thérèse aux prises avec la difficulté du quotidien, intercalées avec des retrospectives de ce qu’auraient été ses vies passées.

C’est là que l’horreur survient. Certes le film est « émouvant », Thérèse y est magnifique, certes on est confronté au tabou du grand âge, mais le film est une suite de petites trahisons mièvres et bonbons à la rose, une pudibonderie mal placée.

D’abord parce qu’il recadre Thèrèse dans un milieu patriarcal, la famille, auquel elle a si longtemps essayé d’échapper, sans même évoquer le fait qu’elle voulait terminer ses jours aux Babayagas, maison auto-gérée qu’elle a monté de sa persévérance dans une perspective libertaire et féministe mais n’a pas pu rejoindre. Rien, nada.

Evidemment je pose la question au réalisateur après avoir visionné le film, dans la salle du Grutli à Genève. Il me répond « Ne ravivons pas la polémique ». Cela, c’est totalement anti Thérèsien, elle qui n’avait pas peur de monter au créneau (sur ce plan là, elle m’a tout appris: le sens de la formule, la ténacité, apprendre à ne pas avoir peur de l’adversité). Elle a par exemple montré son corps nu de femme âgée dans une perspective sensuelle et érotique dans un reportage « Insoumise à nu » et une série de photos. On mesure la différence de l’angle pris quand c’est une femme reporter qui tourne: elle laisse plus de liberté à Thérèse pour s’exprimer, elle ne cherche pas à aller farfouiller sous les formules militantes. Sébastien Lifschitz lui dit: je voulais montrer la femme ordinaire, dans son quotidien, je me méfie toujours de la politique et de « l’encartage ». Pourquoi enlever l’extraordinaire de la vie de Thèrèse? Pourquoi vouloir focaliser sur ses années de mariage et sa maternité?

Bref, il la recolle à la maison, mourante, et lui enlève ses ailes. Les ailes du désir, si joliment décrites dans les Invisibles se fanent. Ce qu’elle aurait peut-être voulu, une vision radicale de la mort, une éradication du privé et du tabou de la mort, n’est qu’effleuré. Elle aurait voulu être filmée jusqu’au bout et ne l’a pas été: aurait-elle aussi voulu avec insistance autre chose, que nous ne saurons jamais? Clément Graminées parle de rendez-vous manqué  et d’excès de pudeur de la part du réalisateur. Un excès de pudeur  qui selon moi sape la vision radicale de cet icône du féminisme et lui coupe l’herbe sous le pied.

A la fin du film comme au début, nous avons deux hommes sur la scène, un qui a reçu le prestigieux Queer Palm et l’autre qui dirige le festival. Ils prennent la parole et la lâchent difficilement, même quand ils la déclarent d’emblée dédiée aux questions de la salle.

 

Deux hommes donc, parlent sur « Thèrèse », l’un qui dit l’avoir connue pendant mai 68 (elle qui a toujours dit qu’elle avait loupé le train de mai 68) et l’autre qui décrit sa dignité, son courage face à la souffrance, des thèmes quasi religieux et oppressifs quand il s’agit de reléguer les femmes dans le mystère de la création divine.  Je suis bouleversée, et comme personne ne lève la main je reprend le micro, et c’est là qu’on me coupe la parole, m’intimant de revenir discuter à la fin avec les deux hommes dans le cadre d’une discussion privée. A la fin, un jeune homme vient me voir, et s’excuse: « Ils vous ont coupé la parole, et pourtant ce que vous disiez était intéressant. »

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Heureusement pour le film, heureusement pour Thérèse, ses enfants et petits enfants , filles comme garçons, lui rendent justice, et remettent sur le tapis la transition de sa vie de maman bourgeoise catholique vers sa vie de militante féministe, devenue lesbienne par « choix politique », échappant à la famille de ses parents par le mariage, à la famille de son mari  par la fréquentation des pères humanistes de l’église, et goûtant par leur entremise au frais parfum de la rébellion qui restera le sien, jusqu’au bout.

 

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Just a Mom?

The following story was sent around an emailing list that I belong to for English-speaking mothers in Switzerland. Its a must read for all mothers who have experienced similar situations. Unfortuna…

Source : Just a Mom?

Poupée gonflable à Fribourg

Découvert hier Heino Keiji au Friart. Performance screamscape. En lieu et place de la marche des salopes, trainé mes basques paumées en direction de la poésie, ce chaudron magique aux relents parfois déplaisants d’où s’extirpent en s’étirant des remugles faisandés. On s’enferme parfois dans les mots, les régurgiter et en examiner le marc de café en fond de tasse, légère amertume sur le bitume élastique, le solaire éclate dans le ciel et rend les choses pesantes. Aperçu au tournant la cathédrale dressée dans le ciel comme un phallus d’épinal, un présage d’une descente dans le bas fond.

cathédrale de Fribourg La piscine vif-bleue enchâssée entre la Sarrine et le vert tondu rasé de près du terrain de foot, qui alterne les bandes de gazons maudits entre des lignes blanches et pures. La piscine mixte où mijotent les sardines poêlées au soleil barbecu-cantesque et le mâle terrain miroir du sexe tout puissant dominant la ville de son erection sacrée au désir sans cesse inassouvi, focus incantatoire qui m’écrase un peu plus sur le pavé collant. Le trottoir s’efface sous mes pas, dans les virages mes pieds vulnérables font pâle figure face aux vrombissement des grosses berlines ventrues, aux vitres noires, aux roues étincelantes.

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Opression. Un souffle qui peine à la sortie de la poitrine. Heino clamant sons androgynes dans un cri primal d’accouchement, s’effondre dans l’OM degenté, les maîtres zen sont si peu zen et rouges d’excitation, le bol tibétain posé sur un coussin. Trungpa et sa folle sagesse sont loin de ces sbires du spirituel bien rangé sur des coussins immaculés. Fatras positif.

Le public est si sage, le public est si bobo artiste déguisé. Tout sur le cri, et pas un cri. L’artiste trône devant nous les cons, nous les cons campent devant l’artiste et j’ai envie de hurler. Le dire du con? Con se le crie. Si MOI je criais là, ce serait du performatif terroriste? Quelle est cette force qui retient mon cri comme un chaton tout doux dans la gorge? Pour crier, dans cette expo, on vous flanque un seau sur la tête, et dans ce seau on entend les cris des autres qui font silence du votre.

Quand même. On écrit. Pris la place d’un poète performeur qui écrivait sur des feuilles blanches, écrit sur ses feuilles. J’ai pris ma place. Ma place si elle n’est pas dans la blanche  marche des salopes où est elle? Où est l’intersectionnailté fondue dans la commune des corps? Le lieu commun du CRI. Steve Jobs a fait une thérapie du cri primal et a pratiqué le ZAZen. Drôle de Zazou déambulant pieds nu frugivore devenu orange et décrochant son premier job chez Attari grâce à son hippie style chicos de la silicone valley. Valley of the dolls. Est-ce l’affairisme artiste des années seillepotentes, les hippies remugles remontés de la potion magique des druides de l’extasie des années onctueusesoctantes?

C’est déjà vu, déjà pris, déjà fait. Has been. Quand même, créer cette frustration est quelquechose.

Jobs est mort d’un cancer. Bouffé par la gangrène du pouvoir. Il a croqué Wozniak qui voulait donner la pomme au monde. Je la vois tous les jours briller en vif argent avec la marque des crocs.

Quand même on écrit. Je m’écrie sur des mots qui ne sont pas les miens. Je hurle un poème du Boomerang dans un haut parleur de tissu. Un poème qui vocifère et glane de ci de là des viscères nues se tordant sous le feu du soleil. Je ne crois pas si bien dire ce qui d’autre me tombe dessus avec le soleil et l’ordre la norme patriarcale.

Heino accouche. L’OM veut accoucher depuis longtemps. Il veut annihiler la différence se fondre dans la masse, devenir Autre, penser à la place de l’autre, mais si je mets à la place des autres où se mettront illEs? Preciado a-t-il toujours sa moustache? That is the question. Les poils sous mes aisselles sont venus par lisser agir, la moustache de Preciado par la puissance créatrice de la distorsion de la réalité et l’ingestion de mâles hormones. Comme Jobs, il pense que vouloir une chose avec force est dans le domaine du champ de distorsion de la réalité.

Quand même. Il y a des choses à prendre. Gossip as direct action. Vélos imaginaires déroulés à l’infini. Remugles des égouts lancés à la volée comme des boomerangs.

Mes pieds ont suivi le bord de la route, à gauche la Sarine, à droite les caisses rutilantes. Quatre gars baraques sortent d’une merce noire avec une poupée gonflable, gonflés à blocs. Ils sont grands, ils parlent fort, ils sont musclés, ils sont parfumés d’un truc sentant le gazon lagerfeld cuir clouté. J’avais un ami albanais qui est parti pour ne pas m’écraser. C’est moi qui suis partie? Un des gars approche son sexe du pubis en plastique en riant, et lèche le téton chaud rose proéminent du sein plastic. Me lance un regard, de biais. Lourd. Direct. Plexus foudroyé.  Cette passion pour les seins de la silicone chirurgie, durs en plastique n’a pas de bornes. Mes pieds suivent la courbure de la route épousant la ligne de la Sarrine, pas d’échappatoire entre la falaise, la route et la rivière chantante. Un canard, passe rasant le fil de l’eau. Prend garde au canard, mon canard. J’écarte mes jambes à la hauteur de la poupée, je campe dans mes talons, je descend mon souffle dans le ventre et je plante mon regard aiguisé dans les yeux du gars qui tient la poupée-qui-dit-rien.  il ricane, la serre contre son bas ventre en me regardant, hilare. Ils sont des anges dressés de désir, ils sont des anges noirs sous le soleil, des anges de cuir souple arraché aux carcasses sanguinolentes, ils sont les piques du destin qui retourne la barbaque sur les charbons pour la rendre propre à la consommation. La chair crue attire les crocs. Ils sont le plastique désinfecté des excisions. Ils sont l’inquisition qui tue le désir utérin, ils tiennent la poupée par la main.

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Mais quand même. J’ai une force immense dans mes pieds, mes palourdes de mammouthe, je m’arrête et je pense si tu me casses la gueule tu finiras tes jours sur twitter. Sous la cathédrale dardant ses piques dentelées qui déchirent le ciel, écrasée sous le soleil, je regarde les gars qui vont emmener la poupée plastoc pour la sauter dans l’espace mixte de la piscine azur où les jeunes sardines se terrent en banc volatiles enfermées dans les filets des bacs restreints de la norme. Un jeune sort de la merce, le regard gêné. On sait que je pourrais être sa mère. On le sait tous les deux, stabat mater, il faudrait que je souffre et je pleure et le respect sacré giclerait sur les larmes de sel pour me purifier et me certifier que je serais en sécurité.

Mais quand même. Je suis un chêne centenaire accueillant les ronds des elfes, je suis l’eau de la Sarrine qui coule irrépressible à deux pas, faisant sauter les sardines sur les cailloux glacés comme un jeu de ping pong. Mon cri jailli du silence  s’enferme aussitôt dans les mots. Le cri de l’expo suinte, un goutte à goutte tranquille, à peine une respiration.

Quand même, cette frustration d’être spectatrice aura eu du bon.  J’en peux plus, qu’ils assument, qu’ils me cassent la gueule, ou qu’ils rangent cette poupée-qui-dit-rien. Le jeune prend la poupée et la jette dans la voiture, soupir, et d’un geste du doigt la merce émet le couinement du chien déçu, fait clignoter ses pupilles oranges. Je dis merci en albanais. Falerminderit. Il sursaute, se retourne, me sourit, triste. Il hausse les épaules, un de ses potes lui tape l’épaule. On rit plus. C’est la débandade. La poupée fond sur le cuir noir de la voiture, les ongles roses et le bleu vif une spirale esquissée sur la peau rose bébé. Un monceau de chewing gum collant, le bouchon transparent bouclant l’air résiste plus longtemps. Consommable jetable. Comment le souffle sort de sa poitrine fondante? This is not a love song. Ce n’est pas non plus la non déclaration d’amour.

Une partie de cette histoire est fausse, une partie est vraie, une partie est ma distorsion utopique. Une partie critique le cri sans vouloir. Je ne peux pas ne pas voir le noir partout, le noir du voile invisible, la burkha de chair. Je pousse mes pas sur un trottoir sécuritaire qui disparait sous la loupe. Alice rentre au pays, le chaudron magique entre en ébullition. Je suis un tube sur patte rempli de liquides digestifs en surchauffe. Je ne sais plus crier mais j’apprends. Je ne sais plus obéir mais je n’ose pas désobéir. Ma réalité m’a accouché comme une petite crotte gluante sur le macadam, un golem façonné par les mots le souffle le cri. Une poupée désarticulée. Mais quand même.

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A la recherche des voleuses du temps de travail

Au petit matin, la ville silencieuse regardait les murs de la cathédrale se teinter doucement de lumière et le jet d’eau lancer ses rasades matinales aux mouettes facétieuses.

Le poète venait de perdre sa muse, le tyran son épouse dévouée, et les enfants encore endormis se retrouvèrent sans mères. Mais ils ne le savaient pas, du moins encore pas. Elles étaient parties, pour la plupart, envolées, disparues. Sans traces.

Au petit matin, encore chauds d’une nuit d’amour ou de violence, les hommes se réveillèrent démunis, et ni la colère, ni la tristesse, ni le chaos qui s’ensuivit ne devait ramener les voleuses.

Eric Lemonarc se réveilla aux voix geignardes de deux enfants appelant leur mère dans un simulacre de disque rayé qui lui fit comprendre par la longueur interminable du processus, qu’elle n’était pas à portée de main.

Au pied de son lit désormais de célibataire, à gros hoquets et force larmes, son fils sanglotait. Sa fille lui hurlait de se taire, et Eric assis au milieu de son lit, aurait soudain vendu son âme à sa femme pour les faire taire.

Mamaaaannnnnn….., hurlait Antoine
Ta gueule !!!!!!!!!!!!! criait Anna.
LA FERME !!!!!!!!!, gueula Eric

Une courte déambulation, quoique répétée par trois fois afin de se confronter à l’évidence permit à Eric de constater : « Femme absente des lieux communs ».
Eric laissa un instant à peine l’étonnement affleurer aux brumes de son esprit endormi, mais d’un naturel affable et proactif, mu de plus par l’urgence de se trouver au bureau à 8 heures précises, il décida de prendre les choses en main.
Il sortit les bols pour les Cornflakes – ses enfants mangeaient habituellement des tartines de confiture mais un peu de changement ma foi c’est pas si mal – ne trouva pas les Cornflakes, rangea les bols, entrepris de faire chauffer du lait, chercha partout le cacao en poudre, jura en refermant la porte du placard sur son petit doigt, trouva le sucre en poudre, le jeta sur la table où le paquet s’ouvrit et se répandit, et décida d’une part aller déjeuner au Macdo de la gare, et d’autre part de différer son arrivée au bureau.

Ils étaient sur le point de sortir quand il reçut deux appels simultanément sur son portable. L’un venait de son ami Silvio, qui lui demandait s’il pouvait emmener ses trois enfants à l’école, l’autre de son chef Dominique, qui le prévenait qu’il arriverait en retard.
A l’école, Eric se retrouva face à un attroupement de pères mal rasés, la chemise en bataille, des tâches de Nutella sur des plis de pantalons douteux, devant des portes de classes closes, sauf celle de Monsieur Eierkopf, Directeur de cet Etablissement, toujours ponctuel.

– Je vous dis qu’il faut ramener vos enfants, on ne peut pas les garder aujourd’hui ! Le directeur, un homme pourtant habituellement souriant et organisé, semblait perdu.

– Bon, je vous laisse, je dois aller travailler », dit calmement et très directement un Monsieur au portable vissé sur l’oreille, les jambes légèrement écartées selon le langage non verbal qui lui permettait habituellement de convaincre des interlocuteurs. Il lâcha la main d’un petit gars aux fins cheveux ébouriffés, et le poussa en avant. « J’ai une urgence. Vous règlerez cela ce soir avec mon épouse. »

– Eh !Revenez ici tout de suite, nous n’allons rien régler ! Le directeur lui saisit le bras.

– Lâchez-moi ! Sale fonctionnaire ! Vacances payées, un salaire de ministre, démerdez vous ! G-E-S-T-I-O-N des impondérables, adaptation vous connaissez ?

– Je vous en foutrai, des pondérations moi, j’ai 10 enseignantes absentes, c’est un cas de force majeur !

Eric magnanime et toujours aussi proactif, s’en retourna avec 5 enfants vers sa voiture. Au bureau, ses collègues masculins avaient fait de même, ou alors avaient pris congé. Les enfants furent installés sur les tables de réunion, avec moult coloriages, chips et coca.

De travailler, point ne fut question en cette mémorable journée.

Au bout d’une semaine, des cadres qualifiés en gestion des affaires allèrent enseigner l’ABC à prix d’or.

Des chômeurs de longue durée trouvèrent des emplois comme éducateurs d’enfants (anciennement « nounou », terme jugé bêtifiant par les nouveaux employés) ou concierges de foyers (nouvelle appellation pour « femmes de ménage »).
Il y eu des reconversions professionnelles, des hausses de salaire historiques dans les professions de l’enseignement et de l’économie domestique, et des crédits pour les ouvertures de crèche furent votés en urgence de façon massive.

La seule chose qui ne put trouver de régulation, l’activité sexuelle, fut calmée à l’aide de la prostitution masculine. Des femmes trans honnies et dénigrées furent soudain très sollicitées, et de beaux jeunes hommes aux yeux langoureux devinrent des hétaïres renommées. André Gide et ses nourritures refirent surface sur les tables de chevet, parfois agrémenté du « Dans ma chambre  » de Dustan.
Eric, quant à lui, se retrouva avec un jeune homme de 22 ans, tout disposé à faire le ménage, s’occuper des enfants, faire à manger, voire plus si affinités. A la fin du mois, le jeune homme lui présenta sa note de frais en détaillant les postes, comme Eric le lui avait demandé, rompant définitivement le charme du « plus si affinités » :

Facture du mois de mai (où les fleurs volent au vent) :

ménage : 2 heures par jour, 5 fois par semaine : 10 heures
garde d’enfant : de 7 heures à 8 heures, 11h30 à 13h30 et de 16h à 20h30 les jours de semaine, de 7h à 20h30 le mercredi : 35 heures
préparation des repas : ½ heure par repas, soit 7h30 hebdomadaire
rangement après repas et vaisselle : ½ heure en moyenne par repas, soit 7h30
courses : 3 heures en moyenne par semaine, temps de trajet inclus
rendez vous divers (médecin, psy, aides sociales, banques et administrations diverses, règlements de litiges fiscaux, gestions des cadeaux d’anniversaires et cartes de Noël) : 3 heures par semaine, pendant les heures d’écoles
lessive et repassage : 4 heures
horaires d’école : 24 heures
compensation affective et soutien sexuel effectué en dehors des heures régulières de travail (à raison de 3h chaque soir et ½ h avant le lever) : 17h50
NB : pouvez-vous vous rappeler désormais que mon prénom est Georges, ma date d’anniversaire le 2 mai et que vous devez vous assurer le remplacement de mes services lorsque je serai en incapacité de travail. Veuillez vous rappeler aussi qu’en Suisse, pays qui a accordé le droit de vote aux travailleuses domestiques en 1971, les employés ont droit à 5 semaines de congés payés par année. Ces éléments sont à inclure dans mon contrat de travail, sans quoi vous recevrez immédiatement ma démission, sans préavis bien sûr. Je vous ai d’ailleurs concocté une mouture que je vous prierai de signer instamment. Comme j’ai du recourir à un conseiller juridique pour établir ce contrat, je vous compte en sus une heure pour la rédaction, et deux heures de recours à mon consultant juridique (les temps de bouleversements tels que nous vivons demandent une réflexion contractuelle élargie)

La facture détaillait grosso modo un total de 70 heures effectives de travail, le soutien affectif à part. Au taux horaire de 24 CHF, le prix que payait d’ordinaire Eric sa femme de ménage, cela équivalait à un salaire brut de 6 720 CHF par mois (sans compter le soutien affectif, qui fut facturé à part, et que nous ne communiquerons pas ici, par respect pour les protagonistes, mais surtout parce que n’ayant pas eu personnellement affaire aux réseaux de péripatéticiens, nous ne connaissons pas leurs tarifs). Le taux horaire, non négociable, venait d’être imposé par la toute nouvelle branche du syndicat des professions domestiques, qui venait aussi de décréter que les heures dues l’étaient dues au titre des tâches effectuées, et tant pis si effectivement des personnes exploitées auparavant s’étaient montrées particulièrement habiles et multitâches dans l’overlapping (terme économique désignant les tâches pouvant être effectuées simultanément, comme repasser en supervisant les devoirs des enfants tout en gardant un œil sur la cuisson du rôti dans le four). Cela devait certainement, au vu d’une théorie économique du dernier cru, être du au fait que les personnes non rémunérées avait tendance à maximiser leur rendement pour disposer de plus de temps libre. Cela expliquait aussi certainement que l’employé d’Eric, s’évertuait à effectuer toutes les tâches possibles en présence des enfants, ne se montrant pas spécialement doué pour jouer avec eux, puisqu’il avait pris un second emploi pendant les 24 heures d’écoles effectives des enfants. Eric avait été assez naïf pour ne pas inclure une clause d’exclusivité dans son contrat de travail, et avait aussi largement sous-évalué les horaires effectifs de travail nécessaires, se référant à ce qu’il avait bien pu comprendre du travail de sa femme.

Eric rejoignit une branche du syndicat patronal, pour demander que son employé (qui accumulait des fautes professionnelles du au stress et au manque de formation) suive des cours de psychologie éducative, de logistique ménagère et surtout de gestion optimale du temps. Cette branche patronale réussit à négocier habilement, et à la fin de l’année, au non de l’interdépendance de certaines tâches, le salaire horaire fut abaissé à 20 chf bruts de l’heure.

Après de savants calculs, Eric, libéral à ses heures perdues, entreprit une conversion aux idées des écolos tendance ROC spectaculaire, qui comprenait un programme de réduction du temps de travail et des dépenses énergétiques : éduquer ses enfants à laver leurs habits pendant qu’ils prenaient leur bain, à étendre le linge sans plis pour éviter le fer à repasser, à manger cru pour éviter le travail de la préparation des aliments (et pour des raisons de santé évitant le recours à des médecins au lobby très efficace), coacher efficacement ses enfants pour qu’ils fassent chacun le ménage dans une pièce de l’appartement, avec des chiffons en microfibres et des balais serpillières M-Budget.

Il prit lui-même un temps partiel après qu’Antoine, en dépression suite au départ de sa mère, se fut échappé trois fois de l’école pour partir la retrouver, et qu’Anna, après de fortes baisse de ses notes en maths mettant en danger son passage au cycle, eu mis trois fois le feu à la cuisine en tentant de faire cuire des spaghettis dans l’huile de la friteuse, suite au régime éprouvant qui lui avait été crûment imposé. Le salaire demandé par son employé de maison dépassait désormais largement ses capacités financières.

Et l’amour dans tout cela ? Eric ne pouvait user de cet argument pour accroître gratuitement le soutien affectif de son employé, qui de son coté, ne souhaitait plus étendre ses compétences professionnelles à la satisfaction des besoins désormais très pressants d’Eric, qui s’exprimaient aussi bien inopinément au beau milieu de la nuit, que régulièrement à 7h du mat et 22h30 le soir, durait deux minutes et se terminaient dans un grognement d’insatisfaction et par des ronflements qui l’empêchaient de se rendormir.

Eric se retrouva au chômage au bout d’un an, son entreprise de construction ayant fait faillite. Le départ de la moitié de la population du canton microscopique avait en effet provoqué la fin de la pénurie de logement à Genève, et moult mouvements de population avaient suivi.

Eric aurait pu trouver un emploi dans une entreprise de déménagements, ou comme prestataire de sexe tarifé, mais il décida de plier bagages, de confier ses enfants à son père septuagénaire, auquel il reprocha lourdement de l’avoir si mal éduqué dans la compréhension de la psychologie féminine.

Avec son ami Silvio et son ex-chef Dominique, il partit à la recherche des voleuses de temps.
Car en fin de compte, tous trois comptaient bien essayer une dernière fois de servir en hors d’œuvre l’argument de l’amour à leurs épouses, qui devaient certainement en manquer autant qu’eux désormais.

Forts de ce dernier et émouvant argument et munis d’une liste de milliers de personnes de sexe féminin, ils furent mandatés pour sillonner le globe, et ramener, en recourant à l’amour et plus si non affinité les voleuses parties avec leur temps de travail.