Poupée gonflable à Fribourg

Découvert hier Heino Keiji au Friart. Performance screamscape. En lieu et place de la marche des salopes, trainé mes basques paumées en direction de la poésie, ce chaudron magique aux relents parfois déplaisants d’où s’extirpent en s’étirant des remugles faisandés. On s’enferme parfois dans les mots, les régurgiter et en examiner le marc de café en fond de tasse, légère amertume sur le bitume élastique, le solaire éclate dans le ciel et rend les choses pesantes. Aperçu au tournant la cathédrale dressée dans le ciel comme un phallus d’épinal, un présage d’une descente dans le bas fond.

cathédrale de Fribourg La piscine vif-bleue enchâssée entre la Sarrine et le vert tondu rasé de près du terrain de foot, qui alterne les bandes de gazons maudits entre des lignes blanches et pures. La piscine mixte où mijotent les sardines poêlées au soleil barbecu-cantesque et le mâle terrain miroir du sexe tout puissant dominant la ville de son erection sacrée au désir sans cesse inassouvi, focus incantatoire qui m’écrase un peu plus sur le pavé collant. Le trottoir s’efface sous mes pas, dans les virages mes pieds vulnérables font pâle figure face aux vrombissement des grosses berlines ventrues, aux vitres noires, aux roues étincelantes.

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Opression. Un souffle qui peine à la sortie de la poitrine. Heino clamant sons androgynes dans un cri primal d’accouchement, s’effondre dans l’OM degenté, les maîtres zen sont si peu zen et rouges d’excitation, le bol tibétain posé sur un coussin. Trungpa et sa folle sagesse sont loin de ces sbires du spirituel bien rangé sur des coussins immaculés. Fatras positif.

Le public est si sage, le public est si bobo artiste déguisé. Tout sur le cri, et pas un cri. L’artiste trône devant nous les cons, nous les cons campent devant l’artiste et j’ai envie de hurler. Le dire du con? Con se le crie. Si MOI je criais là, ce serait du performatif terroriste? Quelle est cette force qui retient mon cri comme un chaton tout doux dans la gorge? Pour crier, dans cette expo, on vous flanque un seau sur la tête, et dans ce seau on entend les cris des autres qui font silence du votre.

Quand même. On écrit. Pris la place d’un poète performeur qui écrivait sur des feuilles blanches, écrit sur ses feuilles. J’ai pris ma place. Ma place si elle n’est pas dans la blanche  marche des salopes où est elle? Où est l’intersectionnailté fondue dans la commune des corps? Le lieu commun du CRI. Steve Jobs a fait une thérapie du cri primal et a pratiqué le ZAZen. Drôle de Zazou déambulant pieds nu frugivore devenu orange et décrochant son premier job chez Attari grâce à son hippie style chicos de la silicone valley. Valley of the dolls. Est-ce l’affairisme artiste des années seillepotentes, les hippies remugles remontés de la potion magique des druides de l’extasie des années onctueusesoctantes?

C’est déjà vu, déjà pris, déjà fait. Has been. Quand même, créer cette frustration est quelquechose.

Jobs est mort d’un cancer. Bouffé par la gangrène du pouvoir. Il a croqué Wozniak qui voulait donner la pomme au monde. Je la vois tous les jours briller en vif argent avec la marque des crocs.

Quand même on écrit. Je m’écrie sur des mots qui ne sont pas les miens. Je hurle un poème du Boomerang dans un haut parleur de tissu. Un poème qui vocifère et glane de ci de là des viscères nues se tordant sous le feu du soleil. Je ne crois pas si bien dire ce qui d’autre me tombe dessus avec le soleil et l’ordre la norme patriarcale.

Heino accouche. L’OM veut accoucher depuis longtemps. Il veut annihiler la différence se fondre dans la masse, devenir Autre, penser à la place de l’autre, mais si je mets à la place des autres où se mettront illEs? Preciado a-t-il toujours sa moustache? That is the question. Les poils sous mes aisselles sont venus par lisser agir, la moustache de Preciado par la puissance créatrice de la distorsion de la réalité et l’ingestion de mâles hormones. Comme Jobs, il pense que vouloir une chose avec force est dans le domaine du champ de distorsion de la réalité.

Quand même. Il y a des choses à prendre. Gossip as direct action. Vélos imaginaires déroulés à l’infini. Remugles des égouts lancés à la volée comme des boomerangs.

Mes pieds ont suivi le bord de la route, à gauche la Sarine, à droite les caisses rutilantes. Quatre gars baraques sortent d’une merce noire avec une poupée gonflable, gonflés à blocs. Ils sont grands, ils parlent fort, ils sont musclés, ils sont parfumés d’un truc sentant le gazon lagerfeld cuir clouté. J’avais un ami albanais qui est parti pour ne pas m’écraser. C’est moi qui suis partie? Un des gars approche son sexe du pubis en plastique en riant, et lèche le téton chaud rose proéminent du sein plastic. Me lance un regard, de biais. Lourd. Direct. Plexus foudroyé.  Cette passion pour les seins de la silicone chirurgie, durs en plastique n’a pas de bornes. Mes pieds suivent la courbure de la route épousant la ligne de la Sarrine, pas d’échappatoire entre la falaise, la route et la rivière chantante. Un canard, passe rasant le fil de l’eau. Prend garde au canard, mon canard. J’écarte mes jambes à la hauteur de la poupée, je campe dans mes talons, je descend mon souffle dans le ventre et je plante mon regard aiguisé dans les yeux du gars qui tient la poupée-qui-dit-rien.  il ricane, la serre contre son bas ventre en me regardant, hilare. Ils sont des anges dressés de désir, ils sont des anges noirs sous le soleil, des anges de cuir souple arraché aux carcasses sanguinolentes, ils sont les piques du destin qui retourne la barbaque sur les charbons pour la rendre propre à la consommation. La chair crue attire les crocs. Ils sont le plastique désinfecté des excisions. Ils sont l’inquisition qui tue le désir utérin, ils tiennent la poupée par la main.

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Mais quand même. J’ai une force immense dans mes pieds, mes palourdes de mammouthe, je m’arrête et je pense si tu me casses la gueule tu finiras tes jours sur twitter. Sous la cathédrale dardant ses piques dentelées qui déchirent le ciel, écrasée sous le soleil, je regarde les gars qui vont emmener la poupée plastoc pour la sauter dans l’espace mixte de la piscine azur où les jeunes sardines se terrent en banc volatiles enfermées dans les filets des bacs restreints de la norme. Un jeune sort de la merce, le regard gêné. On sait que je pourrais être sa mère. On le sait tous les deux, stabat mater, il faudrait que je souffre et je pleure et le respect sacré giclerait sur les larmes de sel pour me purifier et me certifier que je serais en sécurité.

Mais quand même. Je suis un chêne centenaire accueillant les ronds des elfes, je suis l’eau de la Sarrine qui coule irrépressible à deux pas, faisant sauter les sardines sur les cailloux glacés comme un jeu de ping pong. Mon cri jailli du silence  s’enferme aussitôt dans les mots. Le cri de l’expo suinte, un goutte à goutte tranquille, à peine une respiration.

Quand même, cette frustration d’être spectatrice aura eu du bon.  J’en peux plus, qu’ils assument, qu’ils me cassent la gueule, ou qu’ils rangent cette poupée-qui-dit-rien. Le jeune prend la poupée et la jette dans la voiture, soupir, et d’un geste du doigt la merce émet le couinement du chien déçu, fait clignoter ses pupilles oranges. Je dis merci en albanais. Falerminderit. Il sursaute, se retourne, me sourit, triste. Il hausse les épaules, un de ses potes lui tape l’épaule. On rit plus. C’est la débandade. La poupée fond sur le cuir noir de la voiture, les ongles roses et le bleu vif une spirale esquissée sur la peau rose bébé. Un monceau de chewing gum collant, le bouchon transparent bouclant l’air résiste plus longtemps. Consommable jetable. Comment le souffle sort de sa poitrine fondante? This is not a love song. Ce n’est pas non plus la non déclaration d’amour.

Une partie de cette histoire est fausse, une partie est vraie, une partie est ma distorsion utopique. Une partie critique le cri sans vouloir. Je ne peux pas ne pas voir le noir partout, le noir du voile invisible, la burkha de chair. Je pousse mes pas sur un trottoir sécuritaire qui disparait sous la loupe. Alice rentre au pays, le chaudron magique entre en ébullition. Je suis un tube sur patte rempli de liquides digestifs en surchauffe. Je ne sais plus crier mais j’apprends. Je ne sais plus obéir mais je n’ose pas désobéir. Ma réalité m’a accouché comme une petite crotte gluante sur le macadam, un golem façonné par les mots le souffle le cri. Une poupée désarticulée. Mais quand même.

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A la recherche des voleuses du temps de travail

Au petit matin, la ville silencieuse regardait les murs de la cathédrale se teinter doucement de lumière et le jet d’eau lancer ses rasades matinales aux mouettes facétieuses.

Le poète venait de perdre sa muse, le tyran son épouse dévouée, et les enfants encore endormis se retrouvèrent sans mères. Mais ils ne le savaient pas, du moins encore pas. Elles étaient parties, pour la plupart, envolées, disparues. Sans traces.

Au petit matin, encore chauds d’une nuit d’amour ou de violence, les hommes se réveillèrent démunis, et ni la colère, ni la tristesse, ni le chaos qui s’ensuivit ne devait ramener les voleuses.

Eric Lemonarc se réveilla aux voix geignardes de deux enfants appelant leur mère dans un simulacre de disque rayé qui lui fit comprendre par la longueur interminable du processus, qu’elle n’était pas à portée de main.

Au pied de son lit désormais de célibataire, à gros hoquets et force larmes, son fils sanglotait. Sa fille lui hurlait de se taire, et Eric assis au milieu de son lit, aurait soudain vendu son âme à sa femme pour les faire taire.

Mamaaaannnnnn….., hurlait Antoine
Ta gueule !!!!!!!!!!!!! criait Anna.
LA FERME !!!!!!!!!, gueula Eric

Une courte déambulation, quoique répétée par trois fois afin de se confronter à l’évidence permit à Eric de constater : « Femme absente des lieux communs ».
Eric laissa un instant à peine l’étonnement affleurer aux brumes de son esprit endormi, mais d’un naturel affable et proactif, mu de plus par l’urgence de se trouver au bureau à 8 heures précises, il décida de prendre les choses en main.
Il sortit les bols pour les Cornflakes – ses enfants mangeaient habituellement des tartines de confiture mais un peu de changement ma foi c’est pas si mal – ne trouva pas les Cornflakes, rangea les bols, entrepris de faire chauffer du lait, chercha partout le cacao en poudre, jura en refermant la porte du placard sur son petit doigt, trouva le sucre en poudre, le jeta sur la table où le paquet s’ouvrit et se répandit, et décida d’une part aller déjeuner au Macdo de la gare, et d’autre part de différer son arrivée au bureau.

Ils étaient sur le point de sortir quand il reçut deux appels simultanément sur son portable. L’un venait de son ami Silvio, qui lui demandait s’il pouvait emmener ses trois enfants à l’école, l’autre de son chef Dominique, qui le prévenait qu’il arriverait en retard.
A l’école, Eric se retrouva face à un attroupement de pères mal rasés, la chemise en bataille, des tâches de Nutella sur des plis de pantalons douteux, devant des portes de classes closes, sauf celle de Monsieur Eierkopf, Directeur de cet Etablissement, toujours ponctuel.

– Je vous dis qu’il faut ramener vos enfants, on ne peut pas les garder aujourd’hui ! Le directeur, un homme pourtant habituellement souriant et organisé, semblait perdu.

– Bon, je vous laisse, je dois aller travailler », dit calmement et très directement un Monsieur au portable vissé sur l’oreille, les jambes légèrement écartées selon le langage non verbal qui lui permettait habituellement de convaincre des interlocuteurs. Il lâcha la main d’un petit gars aux fins cheveux ébouriffés, et le poussa en avant. « J’ai une urgence. Vous règlerez cela ce soir avec mon épouse. »

– Eh !Revenez ici tout de suite, nous n’allons rien régler ! Le directeur lui saisit le bras.

– Lâchez-moi ! Sale fonctionnaire ! Vacances payées, un salaire de ministre, démerdez vous ! G-E-S-T-I-O-N des impondérables, adaptation vous connaissez ?

– Je vous en foutrai, des pondérations moi, j’ai 10 enseignantes absentes, c’est un cas de force majeur !

Eric magnanime et toujours aussi proactif, s’en retourna avec 5 enfants vers sa voiture. Au bureau, ses collègues masculins avaient fait de même, ou alors avaient pris congé. Les enfants furent installés sur les tables de réunion, avec moult coloriages, chips et coca.

De travailler, point ne fut question en cette mémorable journée.

Au bout d’une semaine, des cadres qualifiés en gestion des affaires allèrent enseigner l’ABC à prix d’or.

Des chômeurs de longue durée trouvèrent des emplois comme éducateurs d’enfants (anciennement « nounou », terme jugé bêtifiant par les nouveaux employés) ou concierges de foyers (nouvelle appellation pour « femmes de ménage »).
Il y eu des reconversions professionnelles, des hausses de salaire historiques dans les professions de l’enseignement et de l’économie domestique, et des crédits pour les ouvertures de crèche furent votés en urgence de façon massive.

La seule chose qui ne put trouver de régulation, l’activité sexuelle, fut calmée à l’aide de la prostitution masculine. Des femmes trans honnies et dénigrées furent soudain très sollicitées, et de beaux jeunes hommes aux yeux langoureux devinrent des hétaïres renommées. André Gide et ses nourritures refirent surface sur les tables de chevet, parfois agrémenté du « Dans ma chambre  » de Dustan.
Eric, quant à lui, se retrouva avec un jeune homme de 22 ans, tout disposé à faire le ménage, s’occuper des enfants, faire à manger, voire plus si affinités. A la fin du mois, le jeune homme lui présenta sa note de frais en détaillant les postes, comme Eric le lui avait demandé, rompant définitivement le charme du « plus si affinités » :

Facture du mois de mai (où les fleurs volent au vent) :

ménage : 2 heures par jour, 5 fois par semaine : 10 heures
garde d’enfant : de 7 heures à 8 heures, 11h30 à 13h30 et de 16h à 20h30 les jours de semaine, de 7h à 20h30 le mercredi : 35 heures
préparation des repas : ½ heure par repas, soit 7h30 hebdomadaire
rangement après repas et vaisselle : ½ heure en moyenne par repas, soit 7h30
courses : 3 heures en moyenne par semaine, temps de trajet inclus
rendez vous divers (médecin, psy, aides sociales, banques et administrations diverses, règlements de litiges fiscaux, gestions des cadeaux d’anniversaires et cartes de Noël) : 3 heures par semaine, pendant les heures d’écoles
lessive et repassage : 4 heures
horaires d’école : 24 heures
compensation affective et soutien sexuel effectué en dehors des heures régulières de travail (à raison de 3h chaque soir et ½ h avant le lever) : 17h50
NB : pouvez-vous vous rappeler désormais que mon prénom est Georges, ma date d’anniversaire le 2 mai et que vous devez vous assurer le remplacement de mes services lorsque je serai en incapacité de travail. Veuillez vous rappeler aussi qu’en Suisse, pays qui a accordé le droit de vote aux travailleuses domestiques en 1971, les employés ont droit à 5 semaines de congés payés par année. Ces éléments sont à inclure dans mon contrat de travail, sans quoi vous recevrez immédiatement ma démission, sans préavis bien sûr. Je vous ai d’ailleurs concocté une mouture que je vous prierai de signer instamment. Comme j’ai du recourir à un conseiller juridique pour établir ce contrat, je vous compte en sus une heure pour la rédaction, et deux heures de recours à mon consultant juridique (les temps de bouleversements tels que nous vivons demandent une réflexion contractuelle élargie)

La facture détaillait grosso modo un total de 70 heures effectives de travail, le soutien affectif à part. Au taux horaire de 24 CHF, le prix que payait d’ordinaire Eric sa femme de ménage, cela équivalait à un salaire brut de 6 720 CHF par mois (sans compter le soutien affectif, qui fut facturé à part, et que nous ne communiquerons pas ici, par respect pour les protagonistes, mais surtout parce que n’ayant pas eu personnellement affaire aux réseaux de péripatéticiens, nous ne connaissons pas leurs tarifs). Le taux horaire, non négociable, venait d’être imposé par la toute nouvelle branche du syndicat des professions domestiques, qui venait aussi de décréter que les heures dues l’étaient dues au titre des tâches effectuées, et tant pis si effectivement des personnes exploitées auparavant s’étaient montrées particulièrement habiles et multitâches dans l’overlapping (terme économique désignant les tâches pouvant être effectuées simultanément, comme repasser en supervisant les devoirs des enfants tout en gardant un œil sur la cuisson du rôti dans le four). Cela devait certainement, au vu d’une théorie économique du dernier cru, être du au fait que les personnes non rémunérées avait tendance à maximiser leur rendement pour disposer de plus de temps libre. Cela expliquait aussi certainement que l’employé d’Eric, s’évertuait à effectuer toutes les tâches possibles en présence des enfants, ne se montrant pas spécialement doué pour jouer avec eux, puisqu’il avait pris un second emploi pendant les 24 heures d’écoles effectives des enfants. Eric avait été assez naïf pour ne pas inclure une clause d’exclusivité dans son contrat de travail, et avait aussi largement sous-évalué les horaires effectifs de travail nécessaires, se référant à ce qu’il avait bien pu comprendre du travail de sa femme.

Eric rejoignit une branche du syndicat patronal, pour demander que son employé (qui accumulait des fautes professionnelles du au stress et au manque de formation) suive des cours de psychologie éducative, de logistique ménagère et surtout de gestion optimale du temps. Cette branche patronale réussit à négocier habilement, et à la fin de l’année, au non de l’interdépendance de certaines tâches, le salaire horaire fut abaissé à 20 chf bruts de l’heure.

Après de savants calculs, Eric, libéral à ses heures perdues, entreprit une conversion aux idées des écolos tendance ROC spectaculaire, qui comprenait un programme de réduction du temps de travail et des dépenses énergétiques : éduquer ses enfants à laver leurs habits pendant qu’ils prenaient leur bain, à étendre le linge sans plis pour éviter le fer à repasser, à manger cru pour éviter le travail de la préparation des aliments (et pour des raisons de santé évitant le recours à des médecins au lobby très efficace), coacher efficacement ses enfants pour qu’ils fassent chacun le ménage dans une pièce de l’appartement, avec des chiffons en microfibres et des balais serpillières M-Budget.

Il prit lui-même un temps partiel après qu’Antoine, en dépression suite au départ de sa mère, se fut échappé trois fois de l’école pour partir la retrouver, et qu’Anna, après de fortes baisse de ses notes en maths mettant en danger son passage au cycle, eu mis trois fois le feu à la cuisine en tentant de faire cuire des spaghettis dans l’huile de la friteuse, suite au régime éprouvant qui lui avait été crûment imposé. Le salaire demandé par son employé de maison dépassait désormais largement ses capacités financières.

Et l’amour dans tout cela ? Eric ne pouvait user de cet argument pour accroître gratuitement le soutien affectif de son employé, qui de son coté, ne souhaitait plus étendre ses compétences professionnelles à la satisfaction des besoins désormais très pressants d’Eric, qui s’exprimaient aussi bien inopinément au beau milieu de la nuit, que régulièrement à 7h du mat et 22h30 le soir, durait deux minutes et se terminaient dans un grognement d’insatisfaction et par des ronflements qui l’empêchaient de se rendormir.

Eric se retrouva au chômage au bout d’un an, son entreprise de construction ayant fait faillite. Le départ de la moitié de la population du canton microscopique avait en effet provoqué la fin de la pénurie de logement à Genève, et moult mouvements de population avaient suivi.

Eric aurait pu trouver un emploi dans une entreprise de déménagements, ou comme prestataire de sexe tarifé, mais il décida de plier bagages, de confier ses enfants à son père septuagénaire, auquel il reprocha lourdement de l’avoir si mal éduqué dans la compréhension de la psychologie féminine.

Avec son ami Silvio et son ex-chef Dominique, il partit à la recherche des voleuses de temps.
Car en fin de compte, tous trois comptaient bien essayer une dernière fois de servir en hors d’œuvre l’argument de l’amour à leurs épouses, qui devaient certainement en manquer autant qu’eux désormais.

Forts de ce dernier et émouvant argument et munis d’une liste de milliers de personnes de sexe féminin, ils furent mandatés pour sillonner le globe, et ramener, en recourant à l’amour et plus si non affinité les voleuses parties avec leur temps de travail.

Avortement et Finances – publié dans LE TEMPS

Avortement et finance (Article cité dans le Courrier International)

Surgi du passé avec son arsenal d’aiguilles à tricoter et d’arguments moraux assortis maintenant d’une panoplie «made in Switzerland» sur le droit des citoyen-ne-s à choisir ce qu’ils ou elles voudraient financer ou pas, le voici qui s’avance dans un habit blanc chaste, d’une pureté implacable, armé d’une patience et d’une ténacité véritablement efficaces. Le spectre de l’assujettissement que l’on croyait vaincu est bel et bien revenu

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Manifestations à Genève pour le maintien du droit à l’avortement en 2013

Changeons les couches dans les sex shops!

Sur la prostitution, le paradigme pornographique tout a été dit. Moi, la femme lambda, la mère casse bonbons derrière sa poussette, on ne m’a pas demandé ce que ça me fait de traverser les quartiers chauds et de croiser le regard des femmes y vendant leur « potentiel orgasmique ». Quand je croise un homme dans ce quartier, je ne sais jamais si c’est un client ou un gars qui passe par là comme moi. Je me demande comment je dois me conduire, où regarder, je suis empruntée.

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Genève c’est petit, et pour aller au lac, on passe parfois par les Pâquis, où il n’y a pas que les TDS (travailleuses du sexe)  qui valent le détour. On voit pas mal d’intégral à Genève, parfois c’est du voile, parfois c’est du nu. Vive le choix et la liberté. Quelle est ma place au juste, celle qui concilie famille et travail, celle que je cherche au pinacle du plafond de verre et que je ne trouve jamais?

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Travail, travailleuse, moi je veux bien, si elles le veulent.

Par contre le client qui goguenard me crache son « C’est combien? » à la figure, à moi, encadrée de mes enfants leurs quenottes à la main et leur bouille éberluée à mes cotés, ben, non ça je veux pas vraiment. Mais personne ne vient me le demander. Je n’ai aucun moyen de savoir comment éviter ces gugus lubriques qui vont aux putes, sauf les plus courageux qu’on connait pour avoir  signé le manifeste des 343 salauds:

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Avec mes mômes, ma liberté de circuler se restreint comme peau de chagrin. Les mémés du tram m’injurient quand je ne leur refourgue pas ma place. Ok, le  junkie affalé l’oeil trouble sur son siège est moins ragoûtant que moi la casse-bonbon à poussette. Je n’ai accès ni au cinéma réglementé par de très strictes tranches d’âges, ni à la disco, ni au bistrot, et avec mon bébé, je me suis déjà vue refuser l’accès au Grand Théâtre. Faudrait pas casser l’ambiance aux privilégiées du porte monnaie qui peuvent débourser pour du baby-sitting. Moi, la femme lambda, votre mère bien obligée, je croise pourtant de jolies escorts promenant leurs guiboles aiguillées de strass dans les salons hypes de la haute horlogerie. Leurs clients statistiquement plus nombreux  sont invisibles. Cacher ces hommes qui ne sauraient se faire voir! Je les croise sans savoir jamais qu’ils sont clients, même quand ils atterrissent dans ma vie affublé d’un parachute et d’un kit de survie en ménage, qui se résume à cacher, dissimuler, mentir.  Ils sont peut être mon ami, mon père, mon collègue, mon amant, mon mari, mon boss et je n’en sais rien. Normal, c’est privé, les MST (maladies sexuellement transmissibles) aussi c’est connu ça reste bien cantonné au chaud dans les quartiers X. Par contre moi, la mère lambda, j’ai du faire dix mille tests pour être sûre de ne pas contaminer mon futur bébé. C’est normal, mon ventre est une machine sur commande, muselé pour la contraception, stérilisé pour la prostitution, stimulé pour l’ovulation, vilipendé pour ses productions incontrôlables.

Pour moi et mes moutards pas d’espace privé quand je déambule dans l’espace public. Pourquoi est-ce à moi de les planquer? Comment éviter ce qui campe sur la moindre des affiches de pub?

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Toute chose inconcevable devant les yeux d’un enfant est peut être une chose inconcevable tout court.  Est-il besoin d’enrober mignonne d’une gelée de rose pour lui cacher les épines de la vie?

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Pas besoin de lois pour cela, ni de réglementation, normalement. Juste un peu de savoir vivre, de bon sens. Peut-être ‘un père Camusien martelant à son fils « un homme ça s’empêche ». Celui là est cependant introuvable dans le bataillon des partouzards, qui comptent sur les mères de leur descendance pour les préserver d’avoir à croiser leurs filles dans les petites chambres où ils vont se délester de leurs troubles compulsifs. Certaines filles comme  Nelly Arcan se mettent à les poursuivre dans la vraie vie, ne pouvant faire face à leur attitude ambiguë vis à vis des femmes, qui consiste à laisser paraître en public un homme respectant les femmes, pour exploiter en privé des « femmes vulves ». Jusqu’au suicide, prises dans les filets du paraître séduire dans ce paradigme pornographique qui nous explose à la figure partout. Chez soi, dehors, dedans, partout, impossible d’être assexuel. La burkha de chair est l’apanage occidental des femmes.

Les adeptes du plaisir dit libertin, partent du principe que c’est à moi, la mère lambda  impuissante et toujours responsable de savoir cartographier l’espace public pour éviter de rencontrer ce dont je devrais préserver mes enfants, sous peine d’être estampillée mauvaise mère. J’aurais bien voulu être sympa, aller parler aux fleurs du pavé, leur offrir un café. En vérité j’ai souvent peur d’être perçue comme hostile à leur endroit. Bref, sur le trottoir des filles publiques, on n’est pas libres de nos gestes, nous les nanas lambdas du privé. Pourtant on aurait des choses à se raconter, des petites histoires croustillantes sur ces hommes qui croisent nos chemins dans des mondes parallèles. Imagine Nafitassou et Anne Sinclair, attablée à une terrasse, et DSK qui passe, dans sa berline.

Je sais que le mariage dont je me suis affublée pour « être protégée » me rend égale à leur pratique, je sais que ce que j’appelle la « galanterie » m’enchaîne peut être plus longtemps à mon bienfaiteur que le bifton qui passe de main en main après une passe. Je me demande souvent si j’aurais pu me sentir obligée de faire ce qu’elles font pour survivre. Je ne me demande jamais si j’aurais voulu.  Sincèrement je ne peux pas me mettre à leur place, où se mettraient-elles sinon?

Allons changer nos couches dans les sex shops, allons faire pisser nos chiens dans les quartiers chauds, investissons les avec nos poussettes.  Foresti nous a montré la voie de Zara pour s’échapper du parc en catimini, mais prenons plutôt l’autoroute. Que les mamans pachydermes, putes pu pas putes sortent de leur caverne et investissent l’espace public de façon massive, une fiesta diurne d’indignéEs. Il paraît que la mémoire olfactive est la plus tenace à long terme, allons marquer le territoire du chaud lapin planqué.