Alarme bleue noyée dans l’éther

Au petit matin, une femme pleure. Assise sur le banc à l’entrée du lotissement, c’est pour donner une scène à sa peine, et les voitures des voisins glissent devant elle en ronronnant, moteurs bien huilés.

Le temps passant, elle pleure de plus en plus fort. Ce n’est pas possible qu’on ne la voit pas. Les voisines aux yeux baissés fuient devant elle, leurs enfants aux quenottes confiantes écrasées dans la main, et seuls les petits tournent le regard vers les yeux gonflés, les sanglots bruyants. Des hurlements, presque.

Personne ne s’arrête. Personne n’en parle.

Après de longues minutes, ce chagrin déposé asséché, du banc publique, la main crispée sur son ventre bedonnant, elle essuie ses yeux bouffis et se lève.

Soit. Puisque son malheur n’existe pas, puisque qu’il ne trouve pas de public dans le théâtre qu’elle a choisi, autant donner une autre tournure aux choses, et faire comme si rien, absolument rien ne se passe.

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Elle rentre dans sa maison, sort l’aspirateur, et les reins douloureux et les jambes lourdes, se remet à l’ouvrage, sans plus penser à rien. Immaculée. Mater dolorosa.

Voici maintenant que le nouveau né découvre un monde rangé et propre, et revient dans les bras de sa mère, sous les yeux jaloux de son père. Le chagrin tout propre aussi est descendu plombé au fond de ses yeux, il a désormais un éclat de dureté.

Tout remonte à ce premier regard de la mère sur son bébé, des yeux éteints le regardant avec fureur, tandis qu’il boit le lait du sein de verre. A sa bouche un sourire, une composition, et dans ses yeux froid comme un poisson jeté sur la glace pilée, un rejet total.

Mais la jeune femme est femme et belle, et elle le sait. Lorsqu’elle penche sa tête les yeux délicatement se baissent sur un désir coulant le long du rose de ses joues, glissant fouetté par le caprice des cheveux légers voletant autour de son front, une mèche égarée entre ses seins pleins. Sur son coup tendu la carotide bat son plein. Les années passent, deux autres enfants, une famille quoi. La jeune femme a des cernes, elle maigrit, et ses rêves s’effilochent. On lui devine un amant, elle se remet à travailler et le soir, quand elle rentre, elle verse un liquide ambré dans des bulles sombres. Elle doit travailler dur, pour ne pas penser.

Un beau samedi après-midi, elle prend des pinceaux, et sous les yeux de sa première enfant dessine un tableau sombre. L’enfant qui a huit ans, cherche son chat disparu depuis l’été dernier. Elle questionne, élabore des hypothèses, pleure en passant un disque craquant et crachotant les harmoniques angoissées d’Il Etait Une Fois Dans l’Ouest. Elle cherche l’animal dans le grenier poussiéreux, l’appelle sur les routes de campagnes caillouteuses, en pédalant vite sur son vélo rouge.

La femme ne répond pas. Elle passe de pièce en pièce avec des mots légers, et pour finir, sous le regard de l’enfant, peint son autoportrait, lentement, comme si le temps était en suspend. On y vois la tête et les épaules d’une femme de face, cheveux flottants sur les épaules. On ne distingue pas ses traits, mais elle semble figée dans un carcan bleu, tournée vers une liberté qu’elle ne peut atteindre. L’enfant ne peut détacher ses yeux du tableau. L’odeur de la térébenthine flotte dans la pièce, lui en rappelle un autre, celle d’une bouteille bleue, dans le placard de la salle de bain. Elle voit le regard flou dans le tableau, celui qui a disparu. Deux coques sont vissées sur les yeux invisibles. Elle voudrait en parler, mais la mère est appliquée à sa tâche, il n’y a pas de place pour les mots.

La mère accroche le tableau au mur, et l’enfant s’évanouit. La mère se penche et l’appelle, la secoue. La laissant sur le sol, elle se dirige vers le téléphone, mais voilà, l’enfant s’est assise. La regarde avec étonnement. La mère pose le téléphone. C’est tout.

L’enfant se frotte les yeux, sur le guéridon en verre, une petite bouteille bleue, translucide. Le capuchon noir est posé à coté, et aussi un coton neigeux, pas plus gros que le pouce.

L’enfant a quinze ans, et elle parle tout le temps. Elle dit tout ce qui lui passe par la tête dans une cohérence machiavélique. Elle s’attache à démonter verbalement tout ce qui l’entoure, dans le feu de sa vigueur. Elle démantèle et affronte pour que sur la table rase des décombres un nouveau monde s’élève, tout puissant. Sur le fil ténu du danseur cosmique elle s’élance, avec la vigueur et la force d’un taureau. Elle s’enferme dans sa chambre et passe des musiques violentes, danse jusqu’à à épuisement laissant couler la sueur entre ses petits seins dressés durs, et regarde dans le miroir les humeurs blanches suinter de sa peau, volcans en éruption. Elle presse les pores pour en extraire les tortillons blancs, elle met ses mains sous ses seins pour faire comme s’ils étaient gros. Allongée nue, elle promène ses mains sur son corps, et s’imagine et être un homme fou de désir, caressant la peau entre ses cuisses, là où c’est doux comme la peau d’un bébé. Son souffle s’enflamme, elle gémit.

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La porte de sa chambre est souvent entrouverte.

La femme en bleue est toujours à sa place, derrière un rideau de larmes virtuelles qui déforment son visage. Son regard de poisson froid est noyé dedans.

Un soir, ses parents partis, la jeune fille invite ses amis. Ils boivent l’ambre glacé et regardent leurs reflets dans les miroirs en riant. Ils ont la peau blanche qui tranche sur leurs beaux habits noirs. Les murs de sa chambre, d’un bleu sombre et éclatant, renvoient les images dans des miroirs. La pièce est emportée dans le courant puissant du fleuve, le ruissellement de l’eau sautant de miroir en miroir à l’infini. La jeune fille est habillée d’une longue jupe en fourreau qui épouse ses hanches rondes et enserre ses chevilles l’une contre l’autre. Elle ondule et rayonne.

La porte est entr’ouverte.

L’ombre de son père se projette. L’enfant pousse un cri et s’évanouit. Lorsqu’elle se réveille sur son lit bien fait, les amis sont partis, les bouteilles d’ambre rangées, les miroirs sombres luisent dans la nuit.

Elle descend en silence le grand escalier en pierre. Des bruits de voix étouffés, des éclairs percent la nuit, le poste de télé est allumé. Ses parents regardent « Champs Elysées ». La voix de Drucker est doucereuse.

– Pardon.

Les parents ne répondent pas.

– Ils sont partis quand ? J’ai mal à la tête.

Silence. Leur tête n’a pas bougé. Leur regard n’a pas cillé.

Elle remonte dans sa chambre. Tout à l’heure, un verre a laissé une trace ronde sur la table en verre. La table sous ses yeux est propre. Elle approche son nez de la surface, pas d’odeur. Elle passe son index, il laisse une traînée grasse.

Elle retourne en bas. La télévision ronronne sa litanie. Elle ne parle plus. Elle remonte, se couche. Derrière sa tête, sous ses doigts hésitants, elle sent une bosse douloureuse. Elle inspire, et croit déceler une petite odeur écoeurante, insaisissable, qu’elle connaît bien. Puis, le bleu de la nuit l’avale toute entière.

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Mater Dolorosa

Mater Dolorosa


des soirs on se couche
regrettant d’avoir mis de l’eau dans son venin
au lieu du piment explosif
la grenade vocale à cordes
est beaucoup plus détonnante
quand elle est débouchée à fond
on reprend le fil
sur le rasoir
on désapprend la sécurité
on ferme les yeux pour foncer
mais où mais où
mes chiottes sont bouchées
ya que la poire qui a du jus
pour dégorger ce foutu tuyau
après cette décision magistrale
d’artificière de la puissance femelle
à allumer et alimenter
la colère est une émotion salvatrice
shiva écrabouille les grappes
pour féconder le sol
et ganesh y trempe sa plume
écouter jarousky
stabat mater et mourir
c’est l’ère de l’Art totalE
prenez tout ce qui peut
se grimer se gribouiller
sortez dans les rues
barbouiller de lie de lière
enchevêtré
la mère la fille nue
la pute on s’en fout
on l’est toute
mais la mère et la fille
les vieilles et les it-girls

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faut les rabibocher
devant la fenêtre
sur la pluie froide et dégoulinante
le corps tendu vers le jouir
produire des fresques génétiques
de face à face les ventres créatifs
bombés gorgés
prêts à la complicité
prenez boulot et astuces alimentaires
mais surtout
gueulez et brailler
et gribouillez les viscères
sorties tordues au soleil
les tripes de mères
avortées et ombiliquées
marchez le pas lent et puissant
comme une maman mammouth
une grâce inamovible
une tempête tranquille
et faire revenir de temps de l’extase surannée
la jouissance pure de l’instant gratuit
MoMpoWer

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Candide optimisme

Maman Mammouth

Ca roule ma poule. Sourit, serre les fesses, et tout ira bien. Surfant sur la vague rose de la béatitude, l’heure est propice au post de « gratitude ». Il s’agit dans ces posts de cultiver l’onctueuse reconnaissance que l’on a de vivre dans le meilleur des mondes possibles, celui où tout s’équilibre par la main invisible. L’idée brillante derrière le concept est la suivante: même si on est plein de rancoeur à cause de la crise des subprimes qui a foutu les économies de retraitées en l’air, même si le virus ebola extermine les pauvres hères, même si la concentration de propriété n’a jamais été si forte et l’apanage du pouvoir concentré à dose homéopathique chez quelques privilégiées, même si la souffrance, les guerres et la violence semblent omniprésentes, il faut rester positif, car c’est en restant positif que l’on peut construire.

La rage, la colère ne peuvent…

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Changeons les couches dans les sex shops!

Abolitionniste? Quelle horreur! Dans un pays réglementariste, on fait figure de punching ball. Au fait, pourquoi jamais personne ne me demande mon avis à moi? Je suis une femme lambda, mère de surcroit, condamnée à me voir fustigée de la plus austère des frigidités si je dis que oui, voilà, ce ne sont pas les TDS (travailleuses du sexe) qui me posent problème mais leurs clients.

Maman Mammouth

Sur la prostitution, le paradigme pornographique tout a été dit. Moi, la femme lambda, la mère casse bonbons derrière sa poussette, on ne m’a pas demandé ce que ça me fait de traverser les quartiers chauds et de croiser le regard des femmes y vendant leur « potentiel orgasmique ». Quand je croise un homme dans ce quartier, je ne sais jamais si c’est un client ou un gars qui passe par là comme moi. Je me demande comment je dois me conduire, où regarder, je suis empruntée.

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Genève c’est petit, et pour aller au lac, on passe parfois par les Pâquis, où il n’y a pas que les TDS (travailleuses du sexe)  qui valent le détour. On voit pas mal d’intégral à Genève, parfois c’est du voile, parfois c’est du nu. Vive le choix et la liberté. Quelle est ma place au juste, celle qui concilie famille et…

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Avortement et Finances – publié dans LE TEMPS

Avortement et finance (Article cité dans le Courrier International)

Surgi du passé avec son arsenal d’aiguilles à tricoter et d’arguments moraux assortis maintenant d’une panoplie «made in Switzerland» sur le droit des citoyen-ne-s à choisir ce qu’ils ou elles voudraient financer ou pas, le voici qui s’avance dans un habit blanc chaste, d’une pureté implacable, armé d’une patience et d’une ténacité véritablement efficaces. Le spectre de l’assujettissement que l’on croyait vaincu est bel et bien revenu

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Manifestations à Genève pour le maintien du droit à l’avortement en 2013

Changeons les couches dans les sex shops!

Sur la prostitution, le paradigme pornographique tout a été dit. Moi, la femme lambda, la mère casse bonbons derrière sa poussette, on ne m’a pas demandé ce que ça me fait de traverser les quartiers chauds et de croiser le regard des femmes y vendant leur « potentiel orgasmique ». Quand je croise un homme dans ce quartier, je ne sais jamais si c’est un client ou un gars qui passe par là comme moi. Je me demande comment je dois me conduire, où regarder, je suis empruntée.

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Genève c’est petit, et pour aller au lac, on passe parfois par les Pâquis, où il n’y a pas que les TDS (travailleuses du sexe)  qui valent le détour. On voit pas mal d’intégral à Genève, parfois c’est du voile, parfois c’est du nu. Vive le choix et la liberté. Quelle est ma place au juste, celle qui concilie famille et travail, celle que je cherche au pinacle du plafond de verre et que je ne trouve jamais?

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Travail, travailleuse, moi je veux bien, si elles le veulent.

Par contre le client qui goguenard me crache son « C’est combien? » à la figure, à moi, encadrée de mes enfants leurs quenottes à la main et leur bouille éberluée à mes cotés, ben, non ça je veux pas vraiment. Mais personne ne vient me le demander. Je n’ai aucun moyen de savoir comment éviter ces gugus lubriques qui vont aux putes, sauf les plus courageux qu’on connait pour avoir  signé le manifeste des 343 salauds:

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Avec mes mômes, ma liberté de circuler se restreint comme peau de chagrin. Les mémés du tram m’injurient quand je ne leur refourgue pas ma place. Ok, le  junkie affalé l’oeil trouble sur son siège est moins ragoûtant que moi la casse-bonbon à poussette. Je n’ai accès ni au cinéma réglementé par de très strictes tranches d’âges, ni à la disco, ni au bistrot, et avec mon bébé, je me suis déjà vue refuser l’accès au Grand Théâtre. Faudrait pas casser l’ambiance aux privilégiées du porte monnaie qui peuvent débourser pour du baby-sitting. Moi, la femme lambda, votre mère bien obligée, je croise pourtant de jolies escorts promenant leurs guiboles aiguillées de strass dans les salons hypes de la haute horlogerie. Leurs clients statistiquement plus nombreux  sont invisibles. Cacher ces hommes qui ne sauraient se faire voir! Je les croise sans savoir jamais qu’ils sont clients, même quand ils atterrissent dans ma vie affublé d’un parachute et d’un kit de survie en ménage, qui se résume à cacher, dissimuler, mentir.  Ils sont peut être mon ami, mon père, mon collègue, mon amant, mon mari, mon boss et je n’en sais rien. Normal, c’est privé, les MST (maladies sexuellement transmissibles) aussi c’est connu ça reste bien cantonné au chaud dans les quartiers X. Par contre moi, la mère lambda, j’ai du faire dix mille tests pour être sûre de ne pas contaminer mon futur bébé. C’est normal, mon ventre est une machine sur commande, muselé pour la contraception, stérilisé pour la prostitution, stimulé pour l’ovulation, vilipendé pour ses productions incontrôlables.

Pour moi et mes moutards pas d’espace privé quand je déambule dans l’espace public. Pourquoi est-ce à moi de les planquer? Comment éviter ce qui campe sur la moindre des affiches de pub?

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Toute chose inconcevable devant les yeux d’un enfant est peut être une chose inconcevable tout court.  Est-il besoin d’enrober mignonne d’une gelée de rose pour lui cacher les épines de la vie?

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Pas besoin de lois pour cela, ni de réglementation, normalement. Juste un peu de savoir vivre, de bon sens. Peut-être ‘un père Camusien martelant à son fils « un homme ça s’empêche ». Celui là est cependant introuvable dans le bataillon des partouzards, qui comptent sur les mères de leur descendance pour les préserver d’avoir à croiser leurs filles dans les petites chambres où ils vont se délester de leurs troubles compulsifs. Certaines filles comme  Nelly Arcan se mettent à les poursuivre dans la vraie vie, ne pouvant faire face à leur attitude ambiguë vis à vis des femmes, qui consiste à laisser paraître en public un homme respectant les femmes, pour exploiter en privé des « femmes vulves ». Jusqu’au suicide, prises dans les filets du paraître séduire dans ce paradigme pornographique qui nous explose à la figure partout. Chez soi, dehors, dedans, partout, impossible d’être assexuel. La burkha de chair est l’apanage occidental des femmes.

Les adeptes du plaisir dit libertin, partent du principe que c’est à moi, la mère lambda  impuissante et toujours responsable de savoir cartographier l’espace public pour éviter de rencontrer ce dont je devrais préserver mes enfants, sous peine d’être estampillée mauvaise mère. J’aurais bien voulu être sympa, aller parler aux fleurs du pavé, leur offrir un café. En vérité j’ai souvent peur d’être perçue comme hostile à leur endroit. Bref, sur le trottoir des filles publiques, on n’est pas libres de nos gestes, nous les nanas lambdas du privé. Pourtant on aurait des choses à se raconter, des petites histoires croustillantes sur ces hommes qui croisent nos chemins dans des mondes parallèles. Imagine Nafitassou et Anne Sinclair, attablée à une terrasse, et DSK qui passe, dans sa berline.

Je sais que le mariage dont je me suis affublée pour « être protégée » me rend égale à leur pratique, je sais que ce que j’appelle la « galanterie » m’enchaîne peut être plus longtemps à mon bienfaiteur que le bifton qui passe de main en main après une passe. Je me demande souvent si j’aurais pu me sentir obligée de faire ce qu’elles font pour survivre. Je ne me demande jamais si j’aurais voulu.  Sincèrement je ne peux pas me mettre à leur place, où se mettraient-elles sinon?

Allons changer nos couches dans les sex shops, allons faire pisser nos chiens dans les quartiers chauds, investissons les avec nos poussettes.  Foresti nous a montré la voie de Zara pour s’échapper du parc en catimini, mais prenons plutôt l’autoroute. Que les mamans pachydermes, putes pu pas putes sortent de leur caverne et investissent l’espace public de façon massive, une fiesta diurne d’indignéEs. Il paraît que la mémoire olfactive est la plus tenace à long terme, allons marquer le territoire du chaud lapin planqué.

Candide optimisme

Ca roule ma poule. Sourit, serre les fesses, et tout ira bien. Surfant sur la vague rose de la béatitude, l’heure est propice au post de « gratitude ». Il s’agit dans ces posts de cultiver l’onctueuse reconnaissance que l’on a de vivre dans le meilleur des mondes possibles, celui où tout s’équilibre par la main invisible. L’idée brillante derrière le concept est la suivante: même si on est plein de rancoeur à cause de la crise des subprimes qui a foutu les économies de retraitées en l’air, même si le virus ebola extermine les pauvres hères, même si la concentration de propriété n’a jamais été si forte et l’apanage du pouvoir concentré à dose homéopathique chez quelques privilégiées, même si la souffrance, les guerres et la violence semblent omniprésentes, il faut rester positif, car c’est en restant positif que l’on peut construire.

La rage, la colère ne peuvent que détruire et vous isoler du RDM (reste du monde), dans un cercle vicieux dont vous êtes nécessairement le héros solitaire et tout puissant (parce l’héroïne c’est pas la bonne came), c’est vous qui avez les cartes de votre destin en main, même si les cartes proprement dites ne sont pas les mêmes pour tous, l’Art de les disposer et de les mélanger à votre guise devrait vous suffire pour vous en sortir, à condition de rester optimiste. Mille sabords!

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Ca donne des trucs kafkaïen quand même. Victime de viol ou de violences conjugales? Cesser d’angoisser, tourner la page, la résilience vous donne les outils pour oublier. Victime d’inceste? Lisez Gardner, il vous explique pourquoi c’est mal de dire que c’est mal à un enfant, cela ne fait que renforcer le traumatisme. Il y a un moment même ou aligner sans cesse les stats de la discrimination devient une partie du processus d’aliénation. Quand on ne peut changer le cours des choses, mieux vaut en rire. Donc on poste des trucs supers positifs sur Face Book, de soi-par-soi-pour-soi avec amis, familles, voitures, en vacances, au soleil. Pleins de jolies couleurs et de gratitude zen, des selfies sous toute coutures, on est résilientE surtout quand on a été violéE, battuE. Même les mortEs doivent afficher cette belle sérénité. Enfin c’est terminé! IMG_5183

On pense avoir trouvée la panacée dans quelques philosophies orientales dont on ne connaît pas les ressorts mais juste les artifices clinquants, pour recopier notre passé sans changer une virgule ni un iota.

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Cela a un nom: le déni, et cela a même déjà laissé des traces vite effacées dans le sable blanc par la vague déferlante des bien-pensantEs. Entrez dans n’importe quel temple bouddhiste, et installés là à coté des Bouddhas souriants et méditatifs se trouve des Bouddhas rouges de colère, portant des peaux de tigres écorchés vifs et brandissant des armes. Du yoga des Indes on oublie vite Shiva le destructeurs des mondes à reconstruire sur les décombres de la rage.  Nous ici on ne retient que le sourire de Matthieu Ricard et ses photos safaris-des-pauvres-qui-sourient. Oubliant que le moteur de la paix zen est d’abord une intense colère contre l’injustice du monde, une intense frustration dont il s’agit d’orienter l’énergie pour justement construire autre chose. Sans colère pas de force. Sans ressentiment pas de changements.

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La plus grossière erreur consiste à ne pas même savoir qu’on a sous nos latitudes occidentales déjà abordé le sujet, et fait le tour de la question. Les Docteurs Pangloss et le meilleur des mondes possibles ont déjà été dénoncés par Voltaire. Il appelait cela être Candide (du titre du conte du même nom) une espèce de béatitude endormie qui profite surtout à ceux qui ont leur place bien établie. Qui font taire les velléités des moins nantis en leur hurlant « Hou les vilainEs, arrêter de râler » vous n’aurez de toute façon pas mieux puisque on a là la répartition optimale des ressources dont on dispose. Candide va peu à peu questionner, puis remettre en cause son optimisme à toute épreuve. Ben non, c’est pas top du tout là mon pote, c’est la M. Bordel! (dirait Yoanna).

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Si donc vous persistez dans cette saine habitude des posts gratitude, essayez de réduire le champ de vos remerciements à quelque chose dont le RDM sans exception pourrait se targuer, et là, mis à part la couleur bleue du ciel, le sifflement du vent et la vie qui s’éver-tue, il n’y a pas grand chose. L’amour, le gîte, la famille, les vacances, les amiEs, les sujets paquebots du style-j’ai-enfin-réussi-mais -pas-toi-alors-laisse-moi-jouir-de-mes-privilèges-en-paix ne sont pas très gratifiants pour les autres.

Il y a des posts généreux, charitables même. Ceux là sont des plus pernicieux.  Ils vous incluent dans quelque cause par vos deniers virtuellement distribués. Sous la plume de Pierre Choderlos de Laclos dans les Liaisons dangereuses en 1782 voilà que l’humble élan charitable devient un pathos ambigu, dont le but inavouable est le plaisir de celui qui contemple, un rien sadique, cette misère: « J’avouerai ma faiblesse ; mes yeux se sont mouillés de larmes, et j’ai senti en moi un mouvement involontaire, mais délicieux. […] J’ai trouvé juste de payer à ces pauvres gens le plaisir qu’ils venaient de me faire. J’avais pris dix louis sur moi ; je les leur ai donnés. Ici ont recommencé les remerciements, mais ils n’avaient plus ce même degré de pathétique : le nécessaire avait produit le grand, le véritable effet ; le reste n’était qu’une simple expression de reconnaissance et d’étonnement pour des dons superflus. » (Lettre XXI)

J’ai trouvé un matin, en me promenant avec la chienne ce graffiti féministe : Alors, ça coule ma poule?  C’est pas dangereux une poule, tout le monde sait qu’elles n’auront jamais de dents. Quand à savoir si les doux roucoulements sauveront la blanche colombe, je n’en doute pas. Ils la couleront. Quant à moi, je suis une grenouille à grande bouche.

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Animatou : la passion des animes

C’est quoi l’animation? C’est la bouche ouverte d’un enfant devant un écran de couleurs animées, la magie d’une histoire qui vous emporte. Le festival Animatou à Genève apporte un plus: l’interrogation, l’angle d’approche qui met un certain esprit critique en marche. Lisez ma chronique en ligne dans le journal Le Temps

Mobile Animatou le festival qui questionne

Version complète : Animatou le festival qui questionne 

Animatou 2014 coquelicotsAnimatou 2014 Beauty IMG_5247IMG_5251E in Motion no 2 Animatou 2014 IMG_5252Animatou remise des prix IMG_5254

Le petit jet d’eau – Aubes Musicales Matin 1.1

7:50
lui tous les matins
d’un tuyau
lance le petit jet d’eau
sur le béton dégoulinant
des premiers rayons
le son régulier
le chapeau toujours
il faudrait une aube
rien qu’à lui
asseoir les gens
pour écouter l’eau
jetée sur les quais
pour au karcher
déloger les souillures
de la bobo intelligentsia
celle qui le jean délavé
le coté cool t’es mon pote
est plus fermée qu’une huître
devant la marée populeuse
8:06